Patrimoine culturel

L’ancien château

La légende raconte que Pontorson devrait son nom à « Orson », un chef normand. Celui-ci aurait fait construire un pont sur le Couesnon  vers 1031 à la demande de Robert le Diable , père de Guillaume le Conquérant . L’ouvrage permit à ses troupes de traverser la rivière au retour d’une expédition en Bretagne. Par usage, le pont d’Orson a donné le nom à la ville. Mais, malheureusement, nous n’avons aucune certitude sur ces informations.

Entre 1590 et 1628, Pontorson fut une place forte protestante. Gabriel Ier de Montgoméry , chef de file du protestantisme, fut nommé gouverneur de la ville après en avoir pris possession en 1590. Le démantèlement de la forteresse de Pontorson et de son château eu lieu à partir de 1623, sous l’ordre de Louis XIII .

Il a aujourd’hui complètement disparu, détruit au XVIIe siècle par la sape et la mine. On sait néanmoins grâce aux recoupements des plans anciens et du cadastre Napoléonien où il se situait. À son emplacement, dit « Le Colombier – Secteur actuel du Boulevard Clemenceau / Rues Wassenberg et Grenouillère » on retrouva des pierres sculptées. Un des vestiges du château se situe aujourd’hui dans le jardin public. Il s’agit d’un contrepoids de pont-levis.

« (…) Le château de Pontorson a complètement disparu, à part un bloc de maçonnerie qui a roulé au bord de la rivière, et qu’on appelle la Masse. L’emplacement était le terrain dit le Colombier, dans lequel on trouve des murs, des voûtes, et même des souterrains dont l’un allait, dit-on, au Mont-Saint-Michel et l’autre à Caugé. On y trouve aussi des matériaux plus récents, des plâtres avec des moutures. Le château, baigné par la rivière, s’appuyait au pont, vers lequel il était défendu par deux tours, dites les Tours-Brettes, qui flanquaient le pont. Entre ces tours et les anciens moulins, au rapport de dom Morice, subsistait encore en 1403 une pierre carrée, d’environ deux pieds et demi sur chaque face, armoriée vers la Normandie des armes de France, et vers la Bretagne des armes de cette province. Duguesclin avait posé cette limite des deux territoires, et, à cette occasion, avait distribué beaucoup de noix aux enfants, afin qu’ils conservassent le souvenir de ce qui venait d’être fait. (…) ».

La Revue de l’Avranchin et du pays de Granville de juin 1988 LXV n° 335, nous apporte des éléments importants sur la forteresse :

« La Forteresse étant tournée avec son donjon en défense principale au Sud-ouest, contre la Bretagne (…) La puissance du donjon résidait dans sa hauteur au moins 60 pieds (18.3m) et dans sa carrure : un appareil quadrangulaire en blocage de 40 pieds (12.2m) d’épaisseur qui renfermait 3 étages en surface et 2 en sous-sol. La grande salle qui servait d’auditoire occupait le premier. Au deuxième (…) la chambre du gouverneur au troisième (…) les enfants et les hôtes (…) Sous-sol, magasin et prison. (…) un perron et une guette en encorbellement au sommet viendront dans la suite compléter l’ensemble.(…) Les murs d’enceinte avec leurs revêtements furent solidement appareillés. Dans l’épaisseur de la muraille couraient des chemins de ronde, mettant en communication les tours et les courtines. Le tout sera hourdé au début du XIIIème siècle. Le plan de 1616 laisse encore apparaître les anciens plans de l’ancienne ville médiévale, les 4 rues principales qui convergeaient à l’ouest sur la porte Saint-Michel donnant accès sur un pont-levis enjambant une déviation du Couesnon à l’Est l’accès piétonnier n’était possible que par la porte de Bretagne ouvrant sur le baille arrière du château qui en commandait l’accès. Cette paterne qui se dressait à la hauteur de l’actuel hôtel Du Guesclin à cent mètres environ à gauche du passage à niveau de la voie ferrée donnait accès à la rue Notre Dames qui conduisait à l’Eglise. (…)
Le cimetière (autour de l’église) ne disparaîtra qu’au milieu du XIXème siècle lorsque sera percé l’axe transversal (route de Beauvoir) laissant à droite le nouveau cimetière. De ce côte se voyait la porte de CAUGÉ, en direction du Mont. »

Le Maire de Pontorson en 1809, a fait extraire de très belles pierres pour servir à la construction d’un pont à portes de flot, situé sur le chemin vicinal de Saint-Georges-de-Grehaigne, à l’endroit où il est croisé par le canal de dessèchement du marais du Mesnil. Postérieurement à 1809, les maisons des sieurs Le Sénéchal et Allendy ont été en partie construites avec des matériaux provenant des fondations de l’ancienne forteresse. Ces fouilles ont procuré l’occasion de reconnaître l’existence de construction souterraines établies avec des pierres dont la taille était très-soignée.

Concernant l’un des souterrains, il est indiqué page 450 du livre sur l’Histoire de la Petite-Bretagne, que l’Abbé François MANET  a vu le souterrain de Pontorson dont parle la tradition : « Nous avons vu dans notre enfance, près du grand chemin conduisant à CAUGÉ, un souterrain obscur et couvert, se dirigeant vers la Guimbarde ».

Par contre, une légende locale indique la présence d’un souterrain reliant Pontorson au Mont-Saint-Michel. Soyons réaliste, ce souterrain ne peut pas exister compte tenu de la nature du terrain entre Pontorson et le Mont. Par contre, il peut y avoir quelques souterrains (ou contre-mines) de quelques mètres qui reliaient les anciens bastions… Il existait aussi à Pontorson de nombreux souterrains qui parcouraient les différentes caves des maisons.

Les anciens remparts de la ville

Ces remparts furent élevés par Henri II , Roi d’Angleterre en 1157 (« De l’état ancien et de l’état actuel de la baie du Mont Saint-Michel », Abbé François MANET  (né à Pontorson le 15 janvier 1764), Page 131). Dans l’annuaire du Département de la Manche de 1830, il est indiqué : « Le connétable de Richemont fit fortifier Pontorson en 1426 ; Gabriel Delorge, comte de Montgommery, le brûla en 1573. ».

Le démantèlement de la forteresse

À la suite des luttes qui déchiraient le pays, Henri IV  et Louis XIII , d’accord avec les Parlements, voulant assurer la paix entre catholiques et protestants, avaient demandé et obtenu la démolition du château et des fortifications urbaines, qui seraient restés comme une menace pour l’avenir. C’est ainsi que le château et les remparts furent démantelés de 1623 à 1625.

Les archives du département d’Ille-et-Vilaine, dans le fonds des Etats, contiennent cinq liasses qui renferment plus de deux cents pièces relatives à PONTORSON.

Le 5 juillet 1623, Louis XIII  envoya une lettre à Jean DE BRUC DE MONTPLAISIR , seigneur de la GRÉE, procureur-syndic des Etats de Bretagne, pour lui donner l’ordre de se transporter à PONTORSON « incontinant et le plus dilligemment qu’il pourra ; et y estant, faire avec le procureur-syndic des Etats de notre province de Normandye, que nous avons aussi commis avec vous incessamment travailler à la démolition et razeman dudict chasteau, combler les fossez d’iceluy et batre les tours, esperons, bastions, contrescarpes et aultres deffences et fortifications, ensemble celles de la ville ; et mettre le tout en tel estat que cette place ne puisse à l’advenir servir de retaicte à personne, pour troubler le repos de nos subiectz desd. provinces ; emploiant à cela tous et chacuns nos subiectz des paroisses de Bretagne de pareille nombre de celles de l’esclection d’Avranches, proches de ladicte place, qui y pourront plus commodement venir ; lesquelz vous y ferez travailler chacun à son tout, selon le département qu’en sera par vous faict, et le plus justement et esquallement, chacun selon ses facultez et moiens, que faire ce pourra… ».

Jean DE BRUC DE MONTPLAISIR  se rendit à PONTORSON et eut une première entrevue avec Jean DE ROLLAY, sieur de BOELOE, un des quatre capitaines des gardes du Roi, auquel avait été confiée la garde du château. Il trouva les habitants de PONTORSON peu disposés à laisser détruire leurs fortifications ; aussi en écrivit il au Roi pour l’avertir qu’ils s’y opposaient avec menaces, mais qu’ils étaient résolus de venir à bout de tous les obstacles.

Après entente avec le procureur-syndic des Etats de Normandie, la part de la Bretagne, dans cette démolition, fut fixée aux deux tiers environ, et comprenait spécialement sept grosses tours, deux porteaux et quelques casemates. Quant au château, comme il ne pouvait être détruit qu’au moyen de la sape et de la mine, il fut décidé que l’entreprise en serait confiée à un ingénieur, et Jean DE MAUBUISSON fut choisi à cet effet, moyennant une somme de 13 600 livres.

En Normandie, les paroisses de l’élection d’AVRANCHES, et un certain nombre des élections de COUTANCES et de MORTAIN, qui se trouvaient les plus voisines, reçurent l’ordre de contribuer au démantèlement de la ville, soit par leur propre travail, soit en composant à prix d’argent, avec les commissaires du Roi.

En Bretagne, près de deux cents paroisses furent portées sur le rôle dressé par le sénéchal de FOUGÈRE, c’est à dire toute la baronnie de ce nom et toutes les paroisses placées en deçà de RENNES, DINAN et SAINT-MALO. Chaque localité reçut mandement de travailler à cette œuvre ou de payer la taxe qui lui serait imposée d’après le rôle des fouages, faute de quoi elle devrait être condamnée à cinquante livres d’amende.

Sous prétexte de démolition, les commissaires voulurent exercer des exactions sur les habitants ; mais les paroisses, de leur côté, adressèrent aux Etats des réclamations qui leur firent rendre justice. Les paroisses situées à huit lieues à la ronde de PONTORSON furent seules contraintes d’envoyer des hommes pour y travailler ; chacune d’elles, selon son importance, avait un nombre déterminé de toises à démolir, par exemple :

  • BAZOUGES-LA-PÉROUSE était imposée à 14 toises ;
  • PLEINE-FOUGÈRES, SAINT-BROLADRE à 9 toises ;
  • ANTRAIN, ROZ-SUR-COUESNON, LA CHAPELLE-JANSON, à 8 toises ;
  • LA BOUSSAC, TREMBLAY, PLEUDIHEN, à 7 toises ;
  • SOUGÉAL, VIEUX-VIEL, LA FONTENELLE, ROMAZY, BONNEMAIN, à 4 toises ;
  • SAINT-SULPICE, PLESDER, MOUAZÉ, CHASNÉ, POILLEY, à 1 toise ou 1 toise et demie.

Celles qui furent exemptées du travail et qui composèrent à prix d’argent payèrent une contribution sur le pied d’environ 40 à 50 livres par toise :

  • SAINT-SERVAN fut taxée à 500 livres ;
  • MONT-DOL, MEILLAC, SENS-DE-BRETAGNE, CANCALE, à 400 livres ;
  • TINTÉNIAC, BAGUER-MORVAN, SAINT-PÈRE, SAINT-MÉLOIR-DES-ONDES à 300 livres.

Les paroisses les moins importantes, comme LES IFFS, MONTHAULT, BILLÉ, BEAUCÉ, LE TIERCENT, SAINT-IDEUC ne furent pas imposées au delà de 50 livres.

Plusieurs paroisses, pour des raisons très particulières sans doute, réussirent à s’exonérer de tout travail et de toute imposition – dans ce nombre, on cite :

  • LANVALLAY, SAINT-SOLAIN, TADEN, SAINT-SULIAC, LA GOUESNIÈRE, IRODOUËR, MINIAC-SOUS-BÉCHEREL, LONGAULNAY, PLOUËR, LIVRÉ, DOURDAIN, VIGNOC, COMBOUR, SAINT-HÉLEN et NOTRE-DAME DE DOL.

Quelques-unes, situées aux environs de RENNES, avaient été rayées de la liste primitive à raison de leur grand éloignement, comme : BETTON, PACÉ, SAINT-GILLES, GÉVÉZÉ, LA CHAPELLE-CHAUSSÉE, SAINT-GRÉGOIRE et MELESSE.

Les travaux durent commencer immédiatement et ils se poursuivirent jusqu’à la fin de l’année 1625 ; car, d’une part, nous trouvons à la date du 28 février 1624 un procès-verbal dressé par Monsieur D’ANDIGNÉ, conseiller à la Cour, « sur les démolitions faites et à faire » ; et, d’autre part, une pièce nous apprend qu’au mois d’octobre 1625, cinquante-cinq paroisses travaillaient encore et fournissaient environ 2 500 ouvriers.

Ajoutons enfin que les Etats de Bretagne votèrent au Roi une somme de 300 000 livres pour les frais de cette démolition et pour indemniser le Seigneur de MONTGOMMERY, alors gouverneur de la ville.

Sources : 

Le Couesnon

Anciennement nommé Lerra Fluvius, le Couesnon  prend sa source dans la commune de Saint-Pierre-des-Landes, arrondissement de la Mayenne, dans la Chaîne-Armorique, à la fontaine de Couesnette, située environ à 200 mètres au dessus du niveau de la mer.

Le Couesnon  est une de ces nobles rivières dont les bords ont été le théâtre de grands événements : c’est la limite ancienne de la Bretagne et de la Normandie, c’est le plus grand fleuve de l’Avranchin , c’est lui qui, dit-on, a donné le Mont Saint-Michel à la Normandie :

Le Couesnon par sa folie
A mis le Mont en Normandie.

C’est une rivière fréquemment citée dans les vieux documents et associée a de grands noms et à de grandes choses : c’est un cours d’eau, et, à son embouchure, un estuaire qui a sa grandeur et son caractère. Il ne sera donc pas hors de propos de lui consacrer une part dans cette histoire de Pontorson et de l’Avranchin.

La plus ancienne mention que nous connaissions du Couesnon  date du VIIIe siècle, et elle se trouve dans une de ces histoires de ferveur religieuse, qui remplissent une époque dont le vrai caractère se retrouve dans les Vies des Saints. Elle se rattache en même temps à Avranches.

Saint Josce, S. Judocus, parent des Regnauldières, seigneurs d’Avranches, avait refusé la couronne de Bretagne, que son frère Judicael lui avait offerte, ou du moins avait demandé huit jours pour réfléchir. Il était dans le monastère « quod Lanmailmon nominatur », où il avait appris les lettres. Un jour il vit venir onze voyageurs. Lorsqu’il leur eut demandé où ils dirigeaient leurs pas, ils répondirent qu’ils allaient à Rome. A cette parole, Jodoce, qui était encore laïque, sans aucun retard, prenant un bâton et ses tablettes, les suivit et prit la même route. Dans leur marche, ils arrivèrent à un fleuve qui « dicitur Cosmun ». L’ayant promptement franchi, ils firent clerc Jodoce, l’homme de Dieu. Lorsqu’ils eurent fait cela, continuant leur route, ils vinrent à une cité qui est appelée Avranches, et ils y séjournèrent. Gervais et Protais, seigneurs des Regnauldières, ne purent retenir leur cousin. Il partit avec les voyageurs, et s’arrêta dans le Ponthieu, qui était un horrible désert.

G. de Jumiège cite le Couesnon : « Non longe a fluvio Coisnon castrum quod vocatur Caruel ».

Au XIe siècle, dans son expédition en Bretagne, Guillaume-le-Bâtard , accompagné de Harold , fit passer à son armée les grèves à l’embouchure du Couesnon. La Tapisserie de la reine Mathilde le représente à cet endroit avec cette légende : « Venerum ad flumen Cosnonis. » Harold, grand et fort, retire les soldats enlisés : « Et Haroldus trahebat eos de arena ».

Benoit de Sainte-Maure, trouvère du XIIe siècle, cite le Couesnon en plusieurs endroits :

Tant unt erré que sur Coisnon
Furent tendu leur pavillon.
… Et Normant unt passé Coisnon…
… Ferma sur Coisnon un chatel
Qui mult fu gent e fort et bel.

Robert Wace , trouvère du même siècle, l’Homère des Normands, le mentionne plusieurs fois :

Un chastel ferma sur Coisnun…
… Et la terre marine dechà duskà Coisnon…
… De Genez de si a Coisnon
Et la rivière d’Ardevon.

Le chantre de Philippe-Auguste, G. Le Breton, poète latin du XIIIe, limite Avranches par le Couesnon : « Abrincas… Finibus à Britonum quas limitat unda Coetni ». C’est ce nom que lui donne encore Mabillon : « Pontem Orsonis ad fluviolum Coetnum ».

Son pont, jeté sans doute sur un gué romain, pont mi-normand, mi-breton, où Duguesclin  et Clisson  s’embrassèrent, où Richemont  et son frère, le duc de Bretagne, se rencontrèrent, ce pont, témoin de tant de prouesses, mérite d’être signalé. S’il avait trois arches au Moyen-Age, il en a six maintenant. Il était de bois en 1698, selon la « Statistique de M. Foucault » pour cette époque. Jeté hors de l’axe de la route, il semble, comme d’autres ponts de l’Avranchin, destiné à la battre en flanc. Il est décrit dans le « Traité de la construction des ponts », avec ces notules : « Pi. cint. 6 arches de 3,6 à 4,4 d’ouverture. Ancien. Largeur 6,1. Total des ouvertures : 22,9. Surface du débouché : 17 ».

L’étymologie de Pontorson est une des plus évidentes des étymologies topographiques. C’est un fait général que les constructeurs de ponts, pontifices, ont donné leur nom à leur ouvrage : ainsi, sans sortir de la Normandie, Pontaubault, Pons Alboti, Pontaudemer, Pons Aldemari, Pont-l’Abbé, Pons Abbatis, Pont-Gilbert, Pont-Bellanger, Pont-Brocard, Pont-Farcy… Orson, Urson, sont des noms essentiellement normands : ils sont nombreux dans le Domesday, où l’on remarque entre tous Urso vicecomes. La latinité constante de ce mot en détermine nettement les élémens, Pons Ursonis. Du temps de Froissart et de Monstrelet, ils n’étaient pas encore fondus en un corps de mot : le premier de ces deux chroniqueurs écrivait Pont-Urson, et le second Pont-Orson. Un ancien géographe écrit même Pont-d’Orson.

Canalisation du Couesnon

  • 1800 – Le 25 thermidor an VIII : canal de détournement du Couesnon .
  • 1805 – Début des travaux.
  • 1806 – La marée de septembre comble le fossé creusé qui était presque terminé !
  • 1856 – L’État concède 4 350 hectare à la Société MOSELMAN et DONON qui en échange, devait créer un chenal.
  • 1867 – Le Couesnon  est enfin canalisé.
  • 1877 – Rectification du cours au Pas-aux-Bœufs.
  • 1882-1883 – Amélioration avec la coupure du Païlma.

Le Mascaret du Couesnon

Le curieux phénomène du mascaret s’observait dans le Couesnon, deux jours avant et deux jours après les syzygies, pendant les grandes marées de 100 à 115. La mer, en refoulant les eaux douces, formait une barre composée de plusieurs vagues ondulées et écumeuses, qui s’avançait avec la vitesse d’un homme à la course, et qui se faisait entendre de fort loin en se heurtant sur le rives. Le niveau s’élevait tout à coup de plusieurs décimètres, et le mouvement continue pendant une heure, comblait rapidement à pleins bords le lit de la rivière.

Le Couesnon dans la Tapisserie de Bayeux

Le Couesnon apparaît aux scènes 17/18 de la Tapisserie de Bayeux . C’est le Duc Harold  qui sauve deux Normands du Couesnon. Il est écrit précisément sur la Tapisserie :

ЄT HIC : TRANSIЄRVNT : FLVMЄN : COSNONIS :
HIC : hAROLD : DVX : TRAhЄBAT : ЄOS : DЄARЄNA
ЄTVЄNЄRVNT AD DOL : ЄT : CONAN :- FVGA VЄR TIT :- RЄDNЄS

Et ici ils traversent le fleuve Couesnon

Ici le Duc Harold les tire hors du sable

Et ils arrivent à Dol et Conan s’enfuit à Rennes

Mention du Couesnon sur la Tapisserie de Bayeux 

Les différents ponts de Pontorson

Le premier pont fut vraisemblablement édifié vers 1030 sous les ordres d’un capitaine nommé Orson. Mandaté par le duc de Normandie Robert le Magnifique , père de Guillaume le Conquérant  (1027-1087), Orson fonda ainsi une ville sur les bords du Couesnon. C’est du nom de ce capitaine et de son oeuvre que vient l’origine du nom « Pontorson ».

Jeté sans doute sur un gué romain, où Duguesclin et Clisson s’embrassèrent, où Richemont et son frère, le Duc de Bretagne, se rencontrèrent, ce pont, témoin de tant de prouesses. S’il avait trois arches au Moyen-Âge, il en a six maintenant. Il était en bois en 1698, selon la Statistique de M. Faucault pour cette époque. Jeté hors de l’axe de la route, il semble, comme d’autres ponts de l’Avranchin, destiné à la battre en flanc. Il est décrit dans le Traité de la construction des ponts, avec ces notes : « Pi. cint. 6 arches de 3.6 à 4.4 d’ouverture. Ancien. Largueur 6.1. Total des ouvertures : 22.9. Surface du débouché : 17 ».

Emplacement du deuxième pont

Le cadastre napoléonien de 1817, permet de situer l’emplacement du deuxième pont de Pontorson avant la construction du nouveau. Cet ancien pont était dans un axe légèrement diagonal et il était fort étroit. La route formait deux décrochés importants, car rappelons le, l’axe de la route qui lie la Normandie à la Bretagne est le même qu’aujourd’hui. Ces virages créaient jadis, de nombreux embouteillages et accidents.

Historique de la construction du pont actuel (suppression du pont d’origine)

Le Conseil Général, dans sa session de 1839, avait demandé qu’on exhaussât les parapets du pont de Pontorson, et qu’on établisse aux abords de ce pont des garde-corps destinés à prévenir les accidents. On a établi en deçà et au-delà du pont, sur les deux rives du Couesnon, des banquettes en terre gazonnées, équivalant à des garde-corps, et l’ont fait macadamiser et abaisser la chaussée sur le pont, ce qui équivaut à l’exhaussement des parapets. Mais, d’après l’état de ce vieux pont, et l’inconvénient de son étroitesse et de sa situation en dehors de la direction de la route, il serait fort à désirer qu’il fût remplacé par un pont neuf, d’une largeur proportionnée à l’importance de la circulation de la route n° 176 sur ce pont, et construit dans la direction de la route.

Dans sa session de 1840, le Conseil Général indique : « Construction d’un pont neuf à Pontorson sur l’axe de la route en remplacement de celui qui existe et qui est trop étroit et menace ruine. ». Il est ajouté : « Le remplacement du pont actuel, situé sur le Couesnon, à la sortie de Pontorson, étant devenu, indispensable, MM. les Ingénieurs rédigent le projet du nouveau pont ; ils ne doivent pas tarder à le présenter et il sera de suite soumis à l’Administration Centrale. ».

En 1843, le Conseil Général exprime encore le vœu que le pont de Pontorson, dont la sinuosité marqué et l’exiguïté des parapets présente, surtout à l’époque de l’enlèvement des tangues, de graves inconvénients, soit rétablit dans l’alignement le cette route et fournisse ainsi un moyen de circulation plus facile.

En 1845, sur la route royale n° 176, on a exhaussé les parapets du pont sur le Couesnon, et l’on a établi un garde-corps en bois à la sortie du pont, afin d’éviter le renouvellement des accidents qui avaient eu lieu à diverses reprises et encore dans le courant de 1844. Cette même année le Conseil Général ajoute : « … dans la liste des travaux neufs à exécuter en 1845 dépendront des crédits qui seront accordés. La construction d’un nouveau pont sur le Couesnon, à Pontorson, sur la route royale n° 176. ».

En 1846, le projet pour la reconstruction du pont a été rédigé en 1844, mais MM. les Ingénieurs ont cru devoir le garder par devers eux afin de le présenter en même temps que le nouveau projet avec tablier en charpente, en ce moment à l’étude, et d’après lequel on arrivera à une dépense beaucoup moins considérable que celle du premier projet. Le Conseil d’arrondissement d’Avranches demande un pont en pierres. La délibération fut communiquée à M. l’Ingénieur-en-chef, en appelant son attention sur les observations qu’elle contient.

En 1849, le rapport de la Commission de M. Lempereur-de-Saint-Pierre indique : « Messieurs, la Commission croit devoir appeler l’attention du Conseil Général sur le pont de Pontorson, jeté sur le Couesnon, route nationale n° 176. Ce pont, placé en dehors de l’axe de la route, s’y relie par une courbe brusque ; sa largeur est de moins de 4 mètres ; deux voitures n’y passent pas de front, et cependant, c’est un des points les plus fréquentés, pendant trois mois de l’année, à l’époque de l’enlèvement des tangues, cet engrais si précieux pour notre agriculture. Il est traversé chaque jour par deux ou trois mille charrettes qui y forment encombrement ; la malle-poste, allant de Paris à Brest, traverse aussi ce pont qui a déjà été le théâtre de nombreux accidents. La Commission, en présence de ces motifs, n’hésite pas à proposer au Conseil-Général, s’associant au Conseil-d’arrondissement d’Avranches, d’émettre avec instance le vœu que l’Administration, par la reconstruction du pont dans l’axe de la route et dans des dimensions convenables, fasse cesser un état de choses qui compromet gravement la sûreté publique. ».

En 1850 : « MM. les Ingénieurs (Loyer et Havin) annoncent la présentation prochaine du projet du pont de Pontorson ; mais il y a peu d’espoir d’obtenir un crédit immédiat. ».

En 1851 : « J’ai eu l’honneur de vous dire qu’un crédit de 40 000 Fr avait été réclamé, en 1850, pour la construction d’un nouveau pont à Pontorson dans l’axe de la route ; cette somme formait la moitié de la dépense, évaluée à 80 000 Fr dans le rapport de M. l’Ingénieur-en-chef tenant lieu d’avant-projet, mais le projet de détail l’a réduite à 75 000 Fr. Ce projet vient de m’être renvoyé, avec des observations et des instructions, par M. le Ministre des travaux publics. ».

En 1853 : « Nous rappellerons encore, Messieurs, à l’Administration supérieur l’urgence de la construction d’un nouveau pont à Pontorson. Ce travail ne peut plus être refusé et nous demanderons que le crédit proposé par M. l’Ingénieur-en-Chef lui soit accordé pour l’entreprendre. ».

En 1855 : « Travail ajourné en principe, en même temps que les autres rectifications des routes impériales. ».

En 1856 : « L’avant-projet sera présenté en même temps que le projet de budget pour l’exercice de 1856. ».

En 1858 : « Le Conseil-d’arrondissement d’Avranches se prononce de nouveau contre la substitution du macadamisage du pavé dans la traverse des villes. L’Etat n’en continue pas moins, dans ces conditions, les travaux de convertissement de la chaussée pavée de la traverse de Pontorson, et il ne parait point disposé à revenir sur la décision par laquelle il a prescrit une pareille mesure pour une partie de la traverse d’Avranches. Rien n’indique l’époque à laquelle la construction d’un nouveau pont à Pontorson pourra être entreprise, le crédit que j’avais demandé, à cet effet, ne nous ayant point été accordé. Je regarde cependant ce travail comme l’un des plus urgents que nécessite les routes impériales du département. ».

En 1859 : « Messieurs, vous apprendrez, avec plaisir, que le projet de construction d’un nouveau pont à Pontorson et de rectification de la route, à ses abords, projet tant de fois recommandé par vous à l’attention de M. le Ministre, a reçu son approbation récemment. Des crédits sont maintenant nécessaires pour commencer les travaux, qui réclament une urgence incontestable, comme vous le savez ; car, on ne saurait trop le répéter, il s’agit ici de parer au danger, sans cesse renouvelé, d’une circulation tortueuse, difficile et surabondante en ce point. Conséquemment, nous vous demandons de formuler spécialement le plus pressant vœu pour que les fonds nécessaires à l’ensemble des ces travaux, qui ne devraient plus êtres à faire, mais bien achevé depuis longtemps, soient accordés, sans retard, par M. le Ministre. ».

En 1861 : « Depuis 15 ans, au moins, Messieurs, vous n’avez cessé de signaler à l’Administration les dangers de la circulation sur le pont de Pontorson et l’urgence de la reconstruction de ce pont. Cette année seulement, vos plaintes ont été entendues, et un premier crédit de 40 000 Fr vient, enfin, de donner un commencement de satisfaction à vos vœux. Le travail est en cours d’exécution ; une seconde allocation de 62 300 Fr est nécessaire à son achèvement. Espérons que cette allocation ne se fera pas attendre, et que cette œuvre, qui affecte tout à la fois la sûreté générale et les intérêts de la contrée, se poursuivra sans interruption. ».

En 1862 : « Vos longues et périodiques instances, pour la reconstruction du pont de Pontorson, auront été l’objet, dans le présent exercice, d’une sollicitude non moins libérale que l’an dernier, puisque, sur le crédit total de 47 000 Fr accordé à cette ligne, une somme de 36 000 Fr devra revertir spécialement à l’avancement de cet ouvrage d’art retardé, il est vrai, par suite de la résiliation de l’adjudication, qui avait eu lieu le 9 mars 1860, mais actuellement en cours d’exécution, depuis une nouvelle adjudication du 3 mai dernier. ».

Lors du Conseil Municipal du 28 octobre 1936, M. le Maire (Docteur TIZON) signale qu’il a fait procédé à la destruction des ruines de l’ancien pont médiéval qui gisaient encore dans le lit du Couesnon (juste après le pont actuel, vers le sud). Ceci, afin d’éviter le retour des fâcheux événements de janvier 1936 (inondation). Ces travaux exécutés avec toute la sécurité voulue ont atteint environ 1 000 francs et le Conseil Municipal, à l’unanimité a ratifié cette dépense. Cette destruction a fait disparaitre la « Masse » (ancienne pile de ce pont), qu’il y avait sur la rive « Est » du Couesnon. Nous la voyons régulièrement sur d’anciennes cartes postales.

En 1970/1972, élargissement du pont via le remplacement des garde-corps.

Anecdote

En 1813, lors des réparations effectuées à un pont de bois, situé sur le Couesnon, et mettant en communication la Bretagne et la Normandie, par Pontorson, on mit à découvert près des piles de ce pont, un canon et son affût, lesquels avaient été abandonnés par les Vendéens, lorsque levant le siège de Granville, ils avaient fui à travers Pontorson (La Revue du Bas-Poitou et des Provinces de l’Ouest (1907), Volume 20, page 107).

L’ancien Port de Pontorson

Collections Musée Villa Montebello, Trouville-sur-Mer – Merci à M. Karl LAURENT

Il y a eu à Pontorson, un port et un chantier naval pendant la dernière moitié du 19ème siècle. Ils étaient situés sur les rives du Couesnon (Square Highworth, au niveau du pont de la ville).

Dans un rapport, en date du 22 août 1861, sur le dessèchement des marais du CouesnonM. l’ingénieur ROUGEUL disait, entre autres choses :

« L’ensemble des travaux que nous venons d’examiner n’intéresse pas seulement le dessèchement des marais. Ils seraient également d’une utilisé incontestable au point de vue de la navigation. Les coupures et rectifications projetées en aval de Pontorson feraient de cette localité un port secondaire, d’un accès sûr et facile, qui comblerait avantageusement la lacune que présente, sous ce rapport, l’étendue d’environ 70 km de côtes entre le Vivier (Ile-et-Vilaine) et le port de Granville. Le riche bassin du Couesnon aurait ainsi, à sa proximité, un point d’embarquement pour l’exportation de ses produits, etc… »

« En résumé, nous pensons que le dessèchement des marais d’Aucey et Boucey (Manche), de Sougeal et Pleine-Fougères (Ille-et-Vilaine),  serait assuré, et qu’en même temps on rendrait praticable la navigation du Couesnon avec la création très-avantageuse d’un port à Pontorson par diverses coupures, etc… ».

Ces coupures ne sont autres que celles des Milardières et du Pas-aux-Bœufs, dont la première est déjà exécutée et dont l’autre est décrétée. La pensée d’établir un port à Pontorson ne fut donc pas, comme le disent certaines personnes malveillantes, étrangères au pays, un rêve irréalisable d’une individualité de Pontorson.

Seulement celui qui avait alors l’honneur d’être chargé de l’administration de Pontorson fut frappé de l’opinion émise par M. l’ingénieur ROUGEUL, et comprenant tout le bien qu’un port, à Pontorson, pourrait apporter à cette ville et au pays si producteur qui l’entoure, chercha le moyen d’essayer la navigation du Couesnon qu’on avait regardée, jusqu’à cette époque, comme impraticable, à cause des courants dus à l’amplitude des marées dans la baie du Mont-Saint-Michel. L’embarras était de trouver un armateur qui voulût tenter l’entreprise. On ne pouvait pas compter sur les ports voisins, cela se comprend.

Enfin, une circonstance favorable se présenta : un navigateur anglais, M. ASPLET, vint explorer la contrée au point de vue des ressources qu’elle présentait et des éléments de trafic qu’on y pourrait trouver. Le Maire de Pontorson s’empressa de se mettre en rapport avec lui et l’engagea à faire venir un navire. M. ASPLET se montra d’abord peu disposé à répondre favorablement à la demande qui lui était faite, parce que dans d’autres villes voisines on lui avait dit que cela était absolument impossible, et que le navire qui se risquerait dans la baie serait infailliblement perdu.

Cependant, sur les instances et les renseignements du Maire de Pontorson, M. ASPLET finit par se rendre, et le 7 novembre 1862 la goëlette anglaise « Daring » vint décharger, à l’anse de Moidrey, 170 tonneaux de houille qu’elle avait à son bord. Cet essai fut le premier pas dans la démonstration que l’opinion de M. l’ingénieur ROUGEUL était fondée, et rassura M. ASPLET, qui continua à apporter de la houille et exporta en Angleterre et ailleurs des bois de construction, des céréales, etc.

Un autre navire, le sloop « Le Couesnon », appartenant à M. GALLAND, de Pontorson, partagea dans les premiers temps avec M. ASPLET la navigation qui débutait. Mais le commencement de réussite éveilla les susceptibilités des intérêts rivaux, et, au mois d’avril 1863, Messieurs ASPLET et GALLAND reçurent de la direction générale des douanes la défense de continuer leur navigation dans le Couesnon. Le Maire de Pontorson, ému de cette défense, partit immédiatement pour Paris, et avec l’appel de M. le Baron PRON, alors Préfet de la Manche, il fut assez heureux pour persuader M. le Directeur Général de la douane que sa religion avait été trompée, et l’interdiction fut levée. Vaincus sur ce point, les adversaires du port de Pontorson ne se tinrent pas pour battus comme on va le voir.

Par suite d’un traité passé avec le Maire de Pontorson, M. ASPLET fit construire, près du pont de Pontorson, une goëllette jaugeant 123 tonneaux ; elle fut lancée le 30 juillet 1863. Mgr BRAVARDévêque de Coutances et d’Avranches, fut assez bon pour venir bénir ce premier né du Couesnon, dont M. le Baron PRON avait accepté d’être le parrain. Ce fut pour Pontorson un grand événement, et son administration organisa une fête à laquelle elle convia les principales autorités et les principaux fonctionnaires du département, et à laquelle assista toute la population de la contrée avec un grand nombre d’étrangers.

Mais cette fête, qui causait tant de joie dans le pays, devait être troublée par les rivaux de la navigation naissante. Restant eux-mêmes dans l’ombre, comme cherchent toujours à le faire ceux qui veulent commettre une mauvaise action, ils mirent en mouvement un homme peu estimé, ne présentant aucune responsabilité financière, mais qui s’appuyait sur une ordonnance surprise à un honorable magistrat qu’on avait trompé. Au milieu de la fête, au moment du lancement, moment sans doute choisi pour punir M. ASPLET du crime d’avoir inauguré la navigation du Couesnon, un huissier se présenta pour saisir le navire et le saisit. Comment qualifier un pareil acte quand le saisissant, loin d’être créancier du saisi, était au contraire son débiteur de 14 000 à 15 000 Fr, ainsi que le constata un jugement du Tribunal de Commerce de Saint-Malo, devant lequel l’affaire fut portée.

Cependant l’instance devant le Tribunal ayant demandé des délais, le saisissant, qui savait à quoi s’en tenir sur le résultat du procès, força la vente du navire saisi, mais la population de Pontorson l’acheta : on dit la population, parce que toutes les classes tinrent à honneur de prendre part à l’acquisition. Cette seconde machination des adversaires du port manqua donc encore son but et le navire resta attaché au port de Pontorson. Toutes ces méchantes appositions faites au pauvre petit port de Pontorson qui ne faisait que poindre, qui n’attaquait pas les autres et ne demandait que sa petite place au soleil, ne fit qu’augmenter le zèle de ceux qui s’intéressaient à son existence. Ils trouvèrent, dans tous les efforts qu’on faisait contre lui, une nouvelle preuve qu’il avait une raison d’être ; car si, comme le disaient ses détracteurs, il ne pouvait pas vivre, il était inutile de faire tant de vilaines choses pour le tuer : il fallait le laisser mourir de sa belle mort.

Heureusement les méchants ne réussissent pas toujours, et l’expérience est venue donner complètement raison à M. l’ingénieur ROUGEUL et à ceux qui se sont attachés à ce port. En effet, dans les 16 premiers mois, de novembre 1862 au 1er mars 1864, quoique la navigation se fît dans les plus mauvaises conditions, sans bureau de douane, sans feu, sans balisage, entourée d’ennemis acharnés et ayant à vaincre la mauvaise réputation de la baie du Mont-Saint-Michel , le mouvement fut de 47 navires, soit en moyenne 3 par mois, dont 42 chargés ayant porté 3 963 000 kg de marchandises, soit par mois en moyenne, 247 000 kg de marchandises.

L’administration de la douane ayant trouvé ces faits suffisamment concluants créa au mois de mars 1864 un bureau de douane, à Pontorson, et une brigade spéciale pour la navigation. Depuis la création du bureau de douane jusqu’au 1er janvier 1870 (70 mois), le mouvement de la navigation fut de 522 navires, dont 415 chargés de 32 328 000 kg de marchandises, soit par mois 8 navire, et 462 000 kg de marchandises.

Enfin, du 1er janvier 1870 au 1er juillet 1875 (66 mois), le mouvement a été de 253 navires et de 15 104 000 kg de marchandises, soit en moyenne par mois 4 navires de 230 000 kg de marchandises. On comprendra que la diminution, dans cette dernière période, a tenu aux circonstances malheureuses que le pays a traversé. Pendant les quatre années 1864, 1865, 1866 et 1867, il est sorti par le port de Pontorson plus de céréales que par le port de Granville !

En somme, le mouvement, depuis le commencement de la navigation (7 novembre 1862) jusqu’au 1er juillet 1875 (152 mois), a été de 822 navires, et 52 000 000 kg de marchandises ; soit par mois, en moyenne, 337 000 kg de marchandises, malgré les désastres qui ont pesé sur les affaires du pays dans la dernière période.

Dans l’ensemble de la navigation de Pontorson, il n’y a pas eu plus d’un quart au cabotage français ; les trois quart se composent de commerce avec l’étranger. Et il est à noter que, dans 152 mois, 67 navires seulement sont sortis sur lest, dont 38 pendant les 7 premières années et 8 mois, et 29 dans la mauvaise période qui a commencé en juillet 1870. Jusqu’ici les navires doivent s’arrêter à Moidrey, au bout sud du canal fait par la compagnie des Polders de l’Ouest et repris par l’État comme canal navigable. Le mouillage des navires dans ce canal est très mauvais à cause du courant de foudre qui y existe, et plus on descend vers le Mont-Saint-Michel , plus le mouillage perd de sécurité, parce que les navires sont moins abrités.

On est obligé, dans ce canal, chaque fois que la mer monte ou descend, de veiller avec le plus grand soin à ce que les navires présentent toujours leur avant où leur arrière au courant ; car, avec la force du courant, si la mer les prenait plus ou moins en flanc, il n’y aurait ni chaînes, ni amarres capables de les maintenir, et ils subiraient nécessairement de graves avaries comme l’expérience l’a prouvé.

Le port ne prendra donc tout le développement dont il est susceptible que lorsque les navires pourront remonter jusqu’à Pontorson, et pour cela il y a encore à faire dans le Couesnon une rectification importante, dite la coupure du Pas-aux-Bœufs, déclarée d’utilité publique par décret de M. le Président de la République, en date du 21 novembre 1874.

Pour ce travail, le Conseil Général de la Manche a voté une subvention de 40 000 Fr, et la ville de Pontorson une subvention de 6 000 Fr. Son urgence est constatée tant par les enquêtes qui ont précédé, dans la Manche et l’Ille-et-Vilaine, la déclaration d’utilité publique, que par l’avis de la Chambre de Commerce de Granville et la subvention accordée par le Conseil Général.

En même temps que le port de Pontorson s’affirmait par un mouvement relativement étonnant, la construction de navires y a été assez active ; ainsi ont été construits et lancés sur le chantier de Pontorson près du pont :

  1. Le 30 juillet 1863, l’Élisa Auguste Pron ;
  2. Le 5 mars 1864, goëlette, Ville de Pontorson ;
  3. Le 9 novembre 1864, goëlette, Les Deux-Frères ;
  4. En janvier 1865, l’Adverne ;
  5. Le 24 mai 1865, Tom-Pouce ;
  6. Le 14 août 1865, Vitted ;
  7. Le 21 août 1865, Ville d’Antrain ;
  8. Le 8 novembre 1865, L’éclair ;
  9. Le 24 février 1867, Daring ;
  10. Le 12 septembre 1867, Jeune Cérès ;
  11. Le 20 mars 1868, Léonie ;
  12. Le 11 septembre 1868, Célina (jaugeant 99 tonneaux – Capitaine LECOUTOUR). Le 7 septembre 1872, ce navire chargé de charbon, naviguait de la ville de Methil en Angleterre, vers Pontorson. En pleine mer, il fut abordé par un navire de Nantes, la « Joséphine Marie » ou la « Marie Joséphine ». Il a dû partir en urgence vers le port de Calais, afin d’y réparer son navire (information de M. Albert DEHOUX – Tribunal de Commerce de Calais).
  13. Le 11 avril 1869, Louis-Marie ;
  14. Le 1er septembre 1869, Adèle ;
  15. Le 15 avril 1870, un navire pour un armateur de Saint-Malo ;
  16. Le 22 avril 1870, Le Cygne ;
  17. Le 25 avril 1872, un navire pour Saint-Servan ;
  18. Le 10 septembre 1872, goëlette La Divatte (merci à Yves Gourhand).

En présence de tout ce qui précède, on pourrait croire que le port de Pontorson n’a plus d’adversaires acharnés. Et bien ! Ce serait une erreur, car, un adversaire nouveau s’est révélé ! La compagnie du chemin de fer de Vitré-Fougère, ou plutôt le président de son Conseil d’Administration, M. de DALMAS, ne demande rien moins à M. le Ministre des travaux publics que de considérer comme non-avenu le décret du 21 novembre 1874, qui déclare d’utilité publique la coupure du Pas-aux-Bœufs dans le Couesnon : 1° parce que, dit M. de DALMAS, le port de Pontorson est une utopie irréalisable, résultat d’un rêve d’une individualité de Pontorson, les plus grandes marées, dit-il, n’apportant de Pontorson qu’une faible hauteur d’eau ; 2° et encore parce que, ajoute M. de DALMAS, si le prolongement du chemin de fer vers le Mont-Saint-Michel  a lieu, le chemin de fer ira chercher le long du canal, entre Moidrey et le Mont-Saint-Michel , les marchandises là où le manque d’eau forcera les navires à s’arrêter. De pareilles idées ne sauraient vraiment être prises au sérieux.

Comment M. de DALMAS n’a-t-il pas remarqué que sa première assertion est en opposition directe, non seulement avec l’opinion des ingénieurs de la navigation dans la Manche, qui n’ont jamais compris la navigation dans le Couesnon qu’avec son port à Pontorson même, qui, dans ce but, ont proposé au Gouvernement la rectification du Couesnon entre Moidrey et Pontorson par la coupure des Milardières, déjà exécutées, et par la coupure du Pas-aux-Bœufs, décrétée d’utilité publique le 21 novembre 1874, mais aussi avec l’opinion de tous ceux qui, outre les ingénieurs, ont été consultés et sur l’avis desquels a été rendue la déclaration d’utilité publique qu’on vient de citer.

La même assertion de M. de DALMAS est encore en opposition avec tous les faits. En effet, est-il raisonnable de soutenir qu’un port de cabotage ne peut exister, faute d’eau, à un point près du pont de Pontorson où la goëlette anglaise « Daring », qui déposait à Moidrey, le 7 novembre 1862, son chargement de 170 tonneaux de houille, a pu remonter un jour pour se faire réparer, alors que la coupure des Milardières n’était pas faite et que la profondeur du chenal entre Moidrey et Pontorson était de plusieurs mètres de moins qu’aujourd’hui, à ce point où on a pu lancer les navires ci-dessus indiqué, dont l’un jaugeant 280 tonneaux et pouvant porter plus de 400 ?

La seconde idée émise par M. de DALMAS est réellement fantastique. Comment, le chemin de fer irait charger et décharger les navires à des points essentiellement variables, c’est à dire où chaque navire serait forcé de s’arrêter par le manque d’eau, où il n’y aurait ni quai, ni estacade ! On le répète, cela n’a rien de sérieux. Et puis, on l’a dit plus haut, le mouillage dans le canal où serait le port mobile de M. de DALMAS est très mauvais, et c’est la seule cause qui retarde le développement de la navigation du Couesnon.

Quant à établir un port fixe au Mont-Saint-Michel  ou près du Mont, ce projet a été repoussé d’emblée par M. le Ministre sur l’avis des ingénieurs. M. de DALMAS doit le savoir.

D’autre part, il est certain qu’alors que, par la rectification décrétée dans le Couesnon, les navires pourront remonter jusqu’à Pontorson, ils seront amarrés près du pont aussi promptement qu’ils pourraient l’être à un point quelconque dans le canal. Il est, en effet, d’expérience que les navires ne peuvent s’amarrer dans le cours du canal actuel, à cause de la force des courants, que lorsque la mer est sur le point d’être étale. Aussi quand un navire a dépassé le Mont-Saint-Michel  en remontant le canal, presque toujours il amène ses voiles et quelquefois même est, en outre, obligé de laisser traîner un ancre pour retarder sa marche ; et quand sa marche n’est pas encore assez retardée par ces moyens, arrivé aux environs de l’estacade où il doit s’amarrer, le navire jette ses ancres et s’arrête pour attendre le plein de la marée, et on en a vu attendre ainsi 20 ou 25 minutes et quelquefois plus. Quand, au contraire, le port sera à Pontorson, au lieu d’amener leurs voiles, au leur de jeter lancer dans le canal, les navires pousseront toutes voiles dehors jusqu’à Pontorson où ils trouveront toute sécurité et où ils arriverons et seront amarrés, on le répète, aussitôt au moins qu’ils pourraient l’être dans le canal, la distance entre Moidrey et Pontorson pour être franchie ne devant pas exiger, après la rectification du Pas-aux-Bœufs plus de 20 minutes, même avec le seul secours du courant.

Les vœux et les efforts de tous ceux qui portent un intérêt quelconque au pays de Pontorson et au commerce de cette contrée si riche par le sol et le bois, qui veulent voir se développer la navigation du Couesnon dans un intérêt plus général, doivent tendre à faire exécuter le plus tôt possible la coupure du Pas-aux-Bœufs, qui placera le port de Pontorson même, à quelques centaines de mètre de la gare, à laquelle le port sera raccordé. Tout le pays espère que le Gouvernement ne se laissera pas tromper par de misérables intérêts particuliers qui semblent avoir pris à tâche la ruine de Pontorson et de ses environs.

De nos jours, le port de Pontorson et son chantier naval n’existent plus (vers l’année 1889).

Recherches effectuées par M. Yohan DAUPHIN. Sources : « Annuaire des cinq départements de la Normandie » publié par l’Association Normande – 1876 – Quarante-deuxième année – ROUEN, C. Métairie, successeur de LE BRUMENT.

L’ancienne prison de Pontorson

Pontorson a possédé brièvement une prison au 19ème siècle. Elle était située dans l’ancienne église de Cendres.

Cendres (attesté dès 1060) dédiée à Saint-Étienne, est un ancien village qui relevait initialement du département de l’Ille-et-Vilaine et qui fut partiellement rattaché à Pontorson le 14 frimaire An XII. L’autre partie fut rattaché à Pleine-Fougères. Il comptait environ 100 habitants au début des années 1800 et était situé entre Pontorson et Ville Chérel (une rue à Pontorson, porte encore son nom – « Rue des Cendres », à proximité immédiate de l’Hôpital). Nous pouvons encore voir la trace de ce village sur la carte de Cassini et de Mariette.

Aussi disait-on que les habitants de Cendre, les Cendrillons comme on les appelait, ou du moins la plupart, appartenaient au Bon Dieu de Bretagne et au Diable de Normandie.

Cette ancienne église fut d’abord transformée en dépôt puis en prison en 1817. Le bâtiment finira par être détruit et le presbytère fut annexé en 1841 à l’hôpital dont le développement depuis la fin du XIXe siècle a effacé le vieux bourg de Cendres, dont le nom subsiste plus que par une rue.

Dans le Volume 2 de « l’Avranchin monumental et historique » (1846), de Édouard Le Héricher, il est indiqué : « L’église de Cendres se voit encore : elle est auprès de l’hôpital actuel, mais, rognée et décapitée, elle n’a plus que l’aspect d’une simple habitation, et sert de maison d’arrêt. On voit aussi le presbytère.  »

La prison était donc située approximativement au niveau de la Base de Plein Air du Couesnon – ancienne gendarmerie.

Sources : 

  • La Folie, Sougéal et le Mesnil – trois marais bretons du Couesnon (pages 45, 46 et 47).
  • https://www.wikimanche.fr/Cendres.
  • Base Archim, Archives nationales.

L’ancienne Chapelle Saint-Nicolas

Dite aussi la « Maladrerie », on connaît son emplacement actuel mais il ne reste rien de cet édifice hormis un portail fleuri. Le portail porte les ornements du XVIe siècle, qui se distinguent assez bien de ceux du XVe par l’ampleur des formes, en particulier des formes végétales.

On sait que celle-ci existait au XIIe siècle, car un seigneur de Boucey qui se fit moine du Mont-Saint-Michel, rendit une charte, qui indique entre autre : « …Pour cela, je donnai de mon fief quatre acres de terre. Mon neveu Richard CARDON consentit à ce don, il le confirma de sa main et déposa la charte sur l’autel de Saint-Nicolas dans la chapelle de Pontorson, avec le livre de la messe. ».

La porte, décapitée aujourd’hui, était probablement en cintre : elle est flanquée de deux pignons à pinacles épanouis en crosses végétales, et couronnée d’une arcature en accolade dont le sommet s’étale en croix foliée. Sur le clocheton de gauche est sculpté un agneau,  symbole du bien et sur celui de droite, un dragon, symbole du mal. Ce joli portail fait vivement regretter la perte de la chapelle.

Cette chapelle était une maladrerie. Fort peu de documents en parlent ; mais nous trouvons dans le Pouillé du Diocèse, fait en 1648 : « La maladrerie de Pontorson, de fondation Royale, ayant pour patron le grand aumônier de France, rend 2 000 liv ».

La citerne à eau

Curiosité de la ville (1 Rue du Dr Bailleul), cette citerne construite vers 1900 a une apparence trompeuse puisqu’elle est faite, non pas en bois, mais en béton armé sculpté.

Située sur le côté d’un bâtiment de communs, elle est coiffée d’un toit qui peut rappeler ceux des kiosques tandis que son décor s’inspire de l’univers végétal. Sous le réservoir, on aperçoit encore une rocaille dans un petit bassin d’où jaillissait autrefois de l’eau.

De style rocaille alors à la mode dans les jardins bourgeois, elle est conçue par Joseph Monier (1823-1906), jardinier du duc d’Uzès puis du jardin du Louvre et pionnier du béton armé.

Il fort probable que cette citerne fut alimentée par la Guimbarde, en effet, celle-ci passait devant cette citerne, sous le trottoir.

La Mairie

L’Hôtel de Ville n’a pas toujours était placé à l’endroit que vous connaissez aujourd’hui.

Au début du 19ème siècle, précisément durant les années 1832, 1833 et 1834, une première mairie fut construite au croisement de la Place de l’Hôtel de Ville (anciennement, Place de la Mairie) et de la Rue de Tanis. Elle prenait place devant la Caisse d’Épargne.

En 1870, la Municipalité proposa la construction d’un premier Hôtel de Ville. Qui possède une architecture semblable à l’Hôtel de Ville actuel. Mais celui-ci devait être construit, sur l’emplacement des parcelles cadastrales de :

  • La Caisse d’Épargne ;
  • MMA ;
  • La Pharmacie « Dechancé – Pont D’Orson » ;
  • AREAS, assurances et placements.

Nul doute que ce projet fut avorté par la résistance des propriétaires de ces habitations. D’antan plus, que la salle de cinéma historique de Pontorson se situait dans le bâtiment actuel d’MMA (au dernier étage). On peut constater sur de nombreuses anciennes cartes postales, le dégagement de la machine de projection vers l’extérieur, au centre du dernier étage.

Nous arrivons enfin à la construction de notre Hôtel de Ville d’aujourd’hui ! Car oui, de nombreuses années sont passées entre le projet initial et final.

Nous sommes dorénavant en 1902 et il est décidé d’ériger notre mairie au beau milieu de la Halle (qui fut édifiée vers 1862, en remplacement de l’ancienne Halle en bois). On détruisit donc le centre de la Halle, pour y placer subtilement notre nouvel Hôtel de Ville. Malgré cet ajout, les grandes arches resteront ouvertes pendant encore des années.

Depuis la livraison de ce nouveau bâtiment administratif en 1902/1903, de nombreux aménagements se sont succédé à l’intérieur, au fil des années, jusqu’à nos jours. Mais nous en parlerons bientôt !

L’Église Notre-Dame-de-la-Paix

L’église est une antique demeure, vouée à Notre-Dame (située Place de l’Église). L’édifice se compose de styles divers : pur roman, roman de transition, gothique du XIIIe et gothique du XVe.

Eudes II de Blois (le Champenois) aurait fait bâtir l’église de Notre-Dame, qui porte à la tour (ou au clocher) la date de l’an « MX ». Sa construction pourrait être au début de l’an mille (1004-1005 ?) : sans doute au décès de sa femme Mathilde (fille du Duc Richard II). Cela reste malheureusement des suppositions…

Sa construction a connu plusieurs étapes :

  1. Entre 1050 et 1120 : le chœur, les croisillons et les bases de la tour. Le vitrail du chœur, situé à droite de l’ancien autel, rappelle l’heureux passage du Couesnon par ses hommes en danger d’enlisement.
  2. De 1120 à 1150 : la nef avec ses demi-colonnes engagées dans les murs, ses travées carrées et croisées d’ogives à la voûte auxquelles se rattachent les pignons de l’Ouest et les trois portails.
  3. En 1220 : l’autel primitif situé au fond du chœur daterait de cette époque. Il serait contemporain au cloître gothique du Mont-Saint-Michel . C’est une simple table de granit posée sur une pierre d’angle et deux colonnettes. Le tabernacle est placé à gauche de l’autel, creusé dans le mur du chevet. Il est fermé par une belle grille en fer forgé, de même que l’armoire oblongue qui l’avoisine et qui sert maintenant de reliquaire. A droite de l’autel primitif, le vitrail est une reproduction d’un fragment de la tapisserie historique de la Reine Mathilde , conservée au musée de Bayeux . À l’intérieur de la nef, resplendissent quelques chapiteaux animaliers à peine indiqués, mais très beaux. Les dalles de granit que l’on foule sont des pierres tombales provenant de l’ancien cimetière qui entourait autrefois l’église (certaines sont datées).
  4. De 1381 à 1418 : concerne la partie gothique. On perce la grande fenêtre du chœur afin d’obtenir plus de clarté dans l’édifice. On procède ensuite de même dans les croisillons Nord et Sud. On surélève le pavé du chœur et on aménage une gracieuse crédence pour la desserte du maître-autel.
  5. Vers 1400 : on construit la chapelle Saint Jean, parallèle au chœur, avec lequel elle communique par une arcade gothique. En 1402, le seigneur Robert MONFLARD et son épouse font sculpter le magnifique retable qui ornemente le fond. Taillé dans la pierre blanche, il retrace en 22 compartiments la « Passion du Christ et sa Résurrection ». Au moment des guerres de religion et lors de la Révolution a eu lieu une mutilation systématique de toutes les têtes des personnages. Ce fut une splendeur, à en juger par les vestiges qui demeurent. Les Pontorsonnais l’appelaient le « Retable des Saints Cassés ».
  6. En 1627 : on édifie le beffroi gothique, clocher « à bâtière » bien Normand, qui ne sera achevé que cette année là. Deux chapelles ogivales flanquent la nef au Nord et au Sud.
  7. En 1853 : à l’entrée du transept gauche se trouve le lutrin à l’aigle impérial, en bois sculpté et doré. Il a été fait par Piel, à Martigny.
  8. Vers 1700 : une Vierge en bois du XVIIIe, vénérée sous le vocable de Notre-Dame, située dans la petite chapelle Nord, au dessus de l’autel, mérite aussi d’être remarquée. Elle échappa à la mutilation pour avoir été coiffée du bonnet phrygien par un astucieux bourgeois de la cité, qui la présenta aux « sans culottes » comme Marianne, la personnification vénérée de la première République.

La porte d’entrée Sud est ornée en son tympan d’une sculpture dont la signification reste à ce jour encore à découvrir. Certains historiens y ont vu la fable de Prométhée ? Pélican ? D’autres y voient même une sculpture Maya !

En réalisant une petite recherche sur internet, nous y trouvons les termes suivants :

  • Guide du Routard 2021/2020 : « …tympan, une image énigmatique… » ;
  • Les Épinettes : « Certains historiens y on vu la fable de Prométhée. » ;
  • WikiManche : « …signification reste mystérieuse encore aujourd’hui. ».

Mais mystère il n’y a peut-être pas !

En lisant les 279 pages de l’ouvrage de V. RUPRICH-ROBERT (1820 – 1887) – Architecte et inspecteur général des monuments historiques, intitulé « L’ARCHITECTURE NORMANDE AUX XIe ET XIIe SIÈCLES EN NORMANDIE ET EN ANGLETERRE ». À la page 221, j’ai trouvé l’information suivante : « Au douzième siècle, nous voyons encore se produire, dans des centres éloignés, des images tout à fait primitives, nées sous le ciseau de simples tailleurs de pierres n’ayant pas la première idée du dessin de la figure humaine. Telle est celle du tympan de la porte au sud de la nef de l’église de Pontorson, qui représente un personnage bizarre, vaincu sans doute par le péché, sous la forme d’un oiseau se hissant après lui, et prêt à le dévorer. Il n’y a là qu’un symbole, qu’une pensée, exprimée de la façon la plus abrégée. » Il s’agirait, en fin de compte, juste d’une tentative de dessin d’un tailleur de pierre malhabile !

La façade Ouest, flanquée de deux tourelles romanes avec sculptures variées, est unique en Europe, au dire des archéologues. Commencée en 1974, la restauration intérieure de cet édifice a été achevée au mois de mai 1976.

La rénovation de l’extérieur de l’église (façade, toitures, chapelle nord, chœur, sacristie, nef…) fut achevée de 2018 à 2022.

Le Moulin de Moidrey

En allant de Pontorson au Mont-Saint-Michel, on découvre ce monument sur la hauteur qui domine Moidrey (à notre droite sur la D776).

Il fut construit en 1806 et entièrement rénové en 2003. Il s’agit d’un moulin-tour dont le mécanisme a été reconstitué à l’identique. Il est en activité et est ouvert à la visite.

En 1979, un numéro « hors série » de la Revue des Moulins de France (ISSN 0399-54-37), indique : « Moulin de Moidrey, Route de Beauvoir, appartenant à la Baronne de Varine-Bohan, 12 ter rue des Moulins, Argentan, 61-orne. Type Breton sud. Seule charpente complète, état moyen. Belle toiture récente, en essentes. Ailes manquent. Site grandiose du Mont-Saint-Michel. »

En 2007, le moulin de Moidrey est classé par l’UNESCO au patrimoine mondial.

L’Orgue de l’église Notre-Dame-de-la-Paix

L’article suivant est de la propriété de Monsieur Francis PROD’HOMME. Il est diffusé avec son aimable autorisation.

Métamorphoses et avatars de l’orgue de Pontorson

Âme de la cité, témoin des heures essentielles de la vie humaine, l’orgue est porteur de toute une histoire que nous allons tenter de vous donner en partage. L’orgue Saby de Pontorson niché au cœur de son église romane est un chef d’œuvre reconnu de tous. Sans lui, jamais notre localité n’aurait eu le privilège de connaître depuis bientôt trente ans des saisons de concerts de très haute qualité et des liturgies magnifiques qu’il rehausse avec éclat. Et pourtant, la vie de cet orgue est semblable aux chemins creux qui, jadis, sillonnaient notre bocage, sinueux, malaisés, imprévisibles. Nous aimerions retracer une chronologie sans faille, un tissu du temps sans accrocs, ni trous ni déchirures. Les orgues naissent de la volonté des hommes, ils portent donc la marque « de ce sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant » selon Montaigne.

Au commencement étaient Daublaine et Callinet…

Notre conte de fée commence en 1843 lorsque l’on installe dans la cathédrale de Rennes un orgue de chœur bâti par Daublaine et Callinet, deux facteurs d’orgues de grand renom qui, installés à Paris en 1839, ont marqué leur temps par la qualité de leur ouvrage. Orgue de chœur, il était composé de huit jeux, dont le descriptif est annexé au présent article. Juché en tribune en fond de nef, il masquait alors les trois fenêtres qui, aujourd’hui, illuminent le granit d’une lumière mordorée au couchant de l’été. Nous ignorons le parler de l’époque de cet orgue car nul magnétophone ne conservait les sons laissés alors à leur intrinsèque volatilité. Pour avoir une idée de son accent particulier, il faudrait aller entendre un orgue contemporain bâti par les mêmes facteurs et qui aurait été conservé « dans son jus » sans les altérations que chaque génération apporte aux orgues. Rien n’est plus capricieux que la mode, et les orgues n’y échappent pas. Pourtant il existe de merveilleux hasards : par exemple l’orgue de Saint-Maximin du Var en Provence. L’organiste de cet orgue de chœur Daublaine et Callinet de la cathédrale de Rennes était un élève de Boëly, un des grands maîtres du 19ème siècle qui a laissé une œuvre considérable. Admirateur de Bach, il n’était pas homme à tolérer un élève de trempe médiocre !

Puis vint Merklin…

Quelques années plus tard en 1859, la firme Merklin et Schütze transforma cet orgue modeste en un instrument de 15 jeux. Merklin décide plusieurs changements techniques, ajoute des jeux de fond et des anches et retire le Nazard et la Doublette que l’on verra réapparaître plus tard. « Votre orgue ancien avait déjà belle allure… et du matériel. » me confia le père Bernard Jehan à qui nous devons ces sources d’information. Et les années passèrent jusqu’à la fin des années 60.

De Rennes à Pontorson…

Fort probablement à l’occasion de l’agrandissement de la cathédrale de Rennes, cet orgue fut vendu à l’église de Pontorson pour la somme de 10 000 francs, installé par Merklin et inauguré en 1868. Il semble qu’aucun événement marquant ne soit intervenu pendant la fin du 19ème siècle et le début du 20ème : accord bi-annuel régulier, à la Pentecôte et à Noël, c’est à dire aux changements de saison. Rien de pire pour un orgue, en effet, que les variations climatiques, et il est inévitable que les orgues se désaccordent. Pas plus que chez les hommes, l’harmonie absolue et définitive n’existera jamais.

Gloton et Le Mintier…

Il faut attendre 1922 pour avoir de nouvelles informations sur la vie de notre orgue. Deux facteurs Nantais, Gloton et Le Mintier, avaient repris en 1919 la firme Louis Debierre qui a laissé un grand nom dans l’histoire de la facture d’orgues. L’orgue de Notre-Dame de Granville ou celui de Saint-Léonard de Fougères, entre autres, en sont de remarquables témoins. Gloton blanchit les touches des claviers, intervient sur la Voix céleste, sur la Trompette et le Clairon et dote l’orgue d’une soufflerie électrique. Que se passa-t-il entre 1922 et 1950 ? Grand blanc, les travaux et les jours, la guerre, les dures années de l’occupation allemande, la libération et la reconstruction. Pour l’instant pas d’archives. Pourtant, en 1950, intervient Beuchet-Debierre, industriel de l’orgue qui reprit les activités de l’ancienne firme Debierre en 1945. Lors d’un de ses passages via Pontorson, Humberger, un des membres de la firme Beuchet-Debierre, visite l’orgue de Pontorson et laisse un rapport manuscrit : l’orgue est visiblement laissé à l’abandon, la proie des chauve-souris (?) qui auraient, selon lui, été responsables de l’oxydation des languettes des jeux d’anches, bref l’orgue est injouable ! Le curé de l’époque, l’abbé Henri Guérin, reçoit un devis de relevage et ne lui donne aucune suite.

Mystère, mystère…

Pourtant, Jean Plessis, né à Pontorson en 1948, se souvient de sa mère jouant cet orgue quand, bambin de trois ans, il l’accompagnait à la tribune. De plus un autre témoin du temps, Dominique Dumont, jouait les premières pages de « L’Organiste » de Franck sur cet orgue en 1970. Le 8 avril 1973, une Commission Départementale des Orgues se réunit à Pontorson et fit une expertise de l’orgue. Selon les conclusions de cette commission, l’orgue était « en bon état de fonctionnement » moyennant un certain nombre d’interventions techniques : réglages mécaniques, dépoussiérage, accord général. Donc, rien de bien grave en effet. Or, à peine un an plus tard, le Conseil Municipal de Pontorson décide de confier à la Maison Saby de Saint-Uze dans la Drôme le démontage et le transport de l’orgue dans leurs ateliers, où l’orgue attendra dix ans avant de revivre. Que penser ?

La restauration froidevallienne…

Dans le contexte de cette histoire est la restauration de l’église par Yves-Marie Froidevaux (1907-1983) qui prit place dans ces années 1970-1976. Cet architecte était un partisan radical de la remise à nu des édifices qu’il était chargé de restaurer. Ainsi l’Abbaye du Mont-Saint-Michel, Lessay, Notre-Dame sur l’Eau à Domfront, et bien d’autres. Nous percevons l’idéologie froidevallienne à l’ְœuvre dans la restauration de l’église de Pontorson : le roman, c’est l’austérité, la sévérité, l’aspérité de la pierre. C’est aussi peut-être la matérialisation d’une prière que portait en son art dépouillé l’idéal des fils de Saint Benoît. Cette volonté de décapage systématique l’entraîna à décider la démolition de la tribune de l’orgue. Celle-ci en effet masquait la magnifique façade ouest de notre église. A part son homologue quelque part en Syrie, l’ordonnancement de cette façade serait unique au monde. Que faire de l’orgue, donc ? Probablement peu joué, peut-être remplacé par un harmonium, sans personne, sauf le curé, pour en prendre soin, la décision fut vite emportée. Beuchet fournit un devis, Saby en fournit un autre, moins élevé, et ce dernier l’emporta, au grand dam de Beuchet ! La délibération du Conseil Municipal du 14 juin 1974 devraient être une clé de compréhension de cette décision. On alla vite : l’orgue fut mis en caisse et expédié à Saint-Uze et…là il allait dormir pendant dix années. C’était l’Arlésienne des compagnons de Henry Saby, qui en faisaient des gorges chaudes. On attendait que la Belle au Bois Dormant se réveillât et que le potiron se métamorphose en carrosse quand la minuit fut sonnée !

Quand la citrouille devient carrosse…

Il fallut attendre 1984 pour voir apparaître l’orgue que nous connaissons aujourd’hui. Dois-je dire que, quelque part, une intervention du ciel métamorphosa ce qui était en jargon du monde de l’orgue « une grosse pompe à cantiques » en une petite merveille de l’art organologique que tous admirent sans partage. En effet, Henry Saby, dès mai 1974, fit l’inventaire de cet orgue qui arrivait dans ses ateliers et découvrit de fort beaux tuyaux, certains datant sans doute du Daublaine et Callinet des origines. Emporté par son enthousiasme, il écrivit au curé de l’époque, l’abbé Maurice Leclerc, pour lui proposer à partir de ces éléments de bâtir « un bon petit orgue qui sonnera très bien dans votre belle église sans ruiner les finances communales. » Il écrivait encore : « Seuls les tuyaux méritent le respect, le reste est inutilisable et ne vaut pas la peine de la restauration. Ce qu’il vous faut, c’est un orgue neuf. » Le budget était modeste, comme l’homme, très frugal, l’était dans sa vie domestique. Or, entre les mains du Conservateur Régional, Yves Lescroart, et du Technicien Conseil, Jean-Pierre Decavèle, le projet initial prit une tout autre dimension, telle que le prévoyait l’habile Saby en disant : « Ne vous laissez pas enfermer dans un petit projet, plus tard, vous souhaiterez avoir d’autres jeux, mais il sera trop tard ! » Volonté conjointe du maire Michel Judas et du curé Maurice Leclerc ? La main céleste voulut aussi que le facteur Jean-François Dupont, aujourd’hui célèbre créateur d’orgues prestigieux, tels celui de l’Abbatiale Sainte-Croix de Lessay, de l’église Saint-Pierre de Caen, de l’Abbatiale de Kergonan, pour ne citer que ceux-ci, avait rejoint l’équipe d’Henry Saby dont la réputation bénéficia de la « patte » du génial Dupont. Entre les mains des personnes mentionnées plus haut, nous avons aujourd’hui un orgue de dix huit jeux réels d’une rare qualité posé au sol dans le bras sud du transept, quittant les hauteurs d’une tribune loin des yeux et loin des assemblées pour venir chanter en leur milieu, non loin du chœur. Jean-François Dupont fut l’auteur de l’harmonisation de l’orgue : esthétique baroque allemande, idéale pour tout le répertoire du 16ème au 19ème siècle et même contemporain.

Jean Galard…

La première partie des travaux fut inaugurée par l’organiste Jean Galard, à l’initiative de Michel Judas, le 28 octobre 1984. La composition était la suivante : Grand-Orgue : Montre 8’, Prestant 4’, Doublette 2’, Fourniture 4 rangs, Bourdon 8’. Positif : Flûte à cheminée 8’, Flûte 4’, Octave 2’, Nazard 2’2/3, Voix humaine 8’. Pédalier : Soubasse 16’, Flûte 8’, Choral basse 4’. Les jeux d’anches : Trompette 8’, Clairon 4’ au Grand-Orgue, Posaune 16’ au pédalier et Tierce 1’3/5, Cymbale 3 rangs au Positif furent ajoutés en 1989. Afin de s’intégrer à l’esthétique de l’église, le parti fut pris de construire un orgue aussi étroit que possible divisé en trois sections : les jeux de pédale en soubassement, les jeux de positif à gauche et les jeux de grand-orgue à droite. L’orgue pouvait être considéré comme terminé. L’organiste manchois Vincent Genvrin en donna le concert inaugural qui, peut-être, mettrait un point d’orgue à son l’histoire si celle-ci s’arrêtait le jour de son inauguration solennelle, où se presse la foule qu’on ne reverra que lors de rares occasions…

Et puis vinrent Claude Ménard et son Conseil Municipal …

1989 fut année d’élections qui mirent Claude Ménard et son équipe à la tête de la Municipalité de Pontorson. Faisant l’inventaire du patrimoine et désireux de le promouvoir, cette nouvelle équipe découvrit l’existence de l’orgue récemment remis en place et voulut qu’il serve d’autres buts que le simple accompagnement des liturgies catholiques. C’est ainsi que naquit « Musiques à Pontorson ». Il s’agissait au départ de faire entendre l’orgue sous les doigts, et les pieds, de jeunes virtuoses au zénith de ses capacités. En fin de saison, Claude Ménard s’exprimait ainsi : « Si nous ne savions pas très bien où nous allions, l’expérience a été globalement positive et nous souhaitons qu’elle se poursuive à l’avenir. » Ainsi était lancée l’aventure que nous continuons à vivre depuis lors. Aventure pour tous les Pontorsonnais, fiers de leur orgue, même s’ils ne viennent pas tous aux concerts, mais aussi pour les organisateurs qui depuis ces quelque trente ans mènent tambour battant cette animation culturelle. L’orgue est et restera au cœur du projet culturel de « Musiques à Pontorson » lieu de découverte de la musique vivante et créatrice d’émotions partagées au-delà de toutes différences de croyances, de cultures et de provenances.

Le polyuréthane, hélas…

On se doute que le devis d’origine avait été dépassé de beaucoup. Par souci d’économie, décision fut prise d’utiliser le polyuréthane pour réaliser les joints des laies et des sommiers. Illusion, car après à peine quinze ans d’existence, le polyuréthane s’était transformé en poussière, l’air fuyait de partout et l’orgue était devenu un vieillard époumoné. Il devait être entièrement démonté et nécessitait le travail de quelque six mois en atelier pour lui restituer sa jeunesse, son souffle et sa force avec cette fois-ci des peausseries en mouton, imputrescible. Ce relevage eut lieu en 2002 et fut l’occasion de montrer ce travail à environ cinq cents élèves des écoles de Pontorson. La presse a fait un remarquable travail d’information et les Pontorsonnais ont retrouvé « leur » orgue plus beau que jamais sous l’experte houlette du maître André Isoir qui guida l’équipe de Pierre Saby.

Un Basson de seize pieds…

La mécanique fut entièrement réajustée avec une précision implacable, terreur et délice des organistes. Cet orgue, par la clarté de son timbre et sa qualité de transmission, est un outil exceptionnel d’apprentissage de ce jeu délié qui restitue l’allégresse de la musique.

Le Posaune de 16’, quant à lui, était encastré dans le soubassement, sans espace pour résonner à l’aise. De plus, la différence de température entre le soubassement fermé et les jeux des claviers manuels en hauteur était la cause d’un désaccord quasi permanent. Aussi le projet fut-il conçu de remplacer ce Posaune peu efficace par un Chalumeau de 4’, « belle voyelle faite pour sonner le choral en pédale », dixit Isoir, en attendant le jour béni où un véritable Basson de 16’ en bois installé derrière l’orgue viendra lui donner l’assise sonore digne de la majesté de l’église, indispensable dans les grands traits de pédale des chefs d’œuvre de la littérature baroque et soutien magnifique des liturgies. Combien d’organistes de grand renom sont venus toucher cet orgue à la faveur des programmes de concerts ? Plusieurs dizaines au moindre mot. A chaque fois, la même remarque leur vient aux lèvres : « Mais, cet orgue, magnifique, est incomplet, il lui manque son anche de 16 pieds de pédale ! » Le projet est en gestation depuis 2002, dans les cartons des pouvoirs publics. Si l’orgue est l’âme de notre ville, nous avons le devoir de transmettre à la génération qui nous suit un instrument non pas « terminé », mais complet, achevé selon les canons de l’art.

André Silbermann…

« L’église romane est un orgue de pierre. » Quand André Silbermann, grand facteur alsacien du 18ème siècle, était convié dans une église pour établir un projet d’orgue, il faisait sonner sa canne contre les dalles et appréciait l’acoustique de l’édifice. S’il sentait que la sonorité de l’église était terne et ne servirait pas l’éventuel orgue comme il l’entendait, il se prétendait soudain très occupé pendant quelque dix ans et conseillait aux marguilliers de s’adresser à des confrères plus disponibles. S’il était jamais venu à Pontorson, André Silbermann n’aurait eu aucun mal à trouver le temps de construire un orgue.


La double naissance de l’orgue de Pontorson

Ecrit sur l’eau...

Pourquoi, lecteur, évoquer la mémoire de John Keats en exergue de cet article ? Sur la stèle mortuaire de ce dernier sont gravés ces mots : « Ici repose un homme dont le nom était écrit sur l’eau. » Cette phrase, Keats l’avait lui-même tracée dans l’une de ses lettres que l’on publia après sa mort. Tant il a été dit et écrit sur l’omniprésence de la symbolique de l’eau dans nos cultures qu’y ajouter ici serait superflu. Pourtant, si nous nous sommes intéressés à l’histoire de l’orgue de Pontorson dans un précédent travail de mémoire, (Avatars et métamorphose de l’orgue de Pontorson, Résurgence 2018), cet instrument serait resté à l’état de machine inerte sans la volonté collective de le faire vivre à la fois par son usage liturgique et par la vie culturelle qu’il a générée. Or, qu’il y a-t-il de plus évanescent que la musique qui naît et meurt au même instant de sa création ? Et s’il n’existait pas des témoins de ces moments, ceux-ci disparaîtraient à tout jamais dans les eaux de l’oubli. Ce que nous avons fait, nous l’avons écrit sur de l’eau. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons apporter notre témoignage sur la vie artistique qui est née autour de cet orgue, et, qui sait, graver quelques signes à déchiffrer par ceux qui nous suivent.

1989, les édiles et les clercs.

Nous étions en mai 1989. Le nouveau conseil municipal de Pontorson, sous la guidance de Claude Ménard, faisait un état des lieux. Des factures substantielles concernant l’orgue se présentaient au paiement. En effet, la première partie de la construction de l’orgue avait été accomplie en 1984 sous la houlette de Michel Judas, alors maire de Pontorson pour la seconde fois. En relation avec le curé de l’époque, le père Maurice Leclerc, Michel Judas avait lancé la restauration de l’église, achevée en 1976, et la réfection de l’orgue. Celui-ci resta dans les soutes de la firme Saby pendant une dizaine d’années. Michel Judas quittait la mairie en 1977 et ne reviendra qu’en 1983. Cette interruption dans son mandat de maire est, semble-t-il, l’explication plausible de cette interruption dans la restauration de l’orgue. Sans ces hommes, Michel Judas, Maurice Leclerc et plus tard Armand Ganné, l’orgue tel qu’il est aujourd’hui n’aurait jamais vu le jour. L’orgue, on le sait, est situé dans le transept sud de l’église, à deux pas du baptistère. Or, le sol de cette partie essentielle de l’église est non pas dallé, mais constitué de galets de la baie du Mont-Saint-Michel. Ainsi ces pierres polies par l’action de l’eau deviennent un symbole dont la force éclate aux esprits. L’artisan de cette création est le père Maurice Leclerc lui-même qui confessait avoir rassemblé là tous les galets qu’il avait ramenés de ses promenades en baie…Son successeur, le père Armand Ganné, nommé curé de Pontorson en novembre 1977, eut la volonté de soutenir le projet de reconstruction de l’orgue et de lancer une collecte auprès de la paroisse pour participer au financement de l’orgue, sans faire appel ni au Département ni à l’Etat. L’ensemble du financement était donc exclusivement pontorsonnais. Une fois l’orgue installé, Armand Ganné prit une initiative habile et heureuse. L’orgue n’est pas un instrument de maniement facile, surtout comme celui de Pontorson reconstruit selon le mode baroque ancien : pas de boîte expressive, traction entièrement mécanique à la précision redoutable, aucune de ces commodités que l’électronique permet aujourd’hui de s’offrir pour le confort ( ?) ou … par égard pour les capacités limitées des organistes ! Les deux premières organistes, malvoyantes, Thérèse Leludec et Madeleine Prioul, durent se mettre à cet apprentissage, bon an mal an, car le curé décida de vendre l’orgue électronique qui avait servi pour l’accompagnement des messes depuis le transfert de l’orgue chez le facteur Saby. Claude Ménard posa la question au conseil municipal nouvellement installé : ne convenait-il pas que cet orgue serve aussi pour la vie culturelle de Pontorson au-delà de l’usage proprement liturgique ?

Des concerts dans l’église.

Organiser des concerts ? Certes, mais il y faut des compétences multiples qui ne sont pas l’apanage de tout un chacun. Parmi les conseillers de l’équipe Ménard, Nicolas Simonnet, alors conservateur de l’Abbaye du Mont Saint-Michel, offrit ses services : il connaissait quelqu’un qui peut-être pourrait faire l’affaire. Il vint me voir en mai 1989 et me proposa le projet d’organiser une saison de concerts d’orgue. C’est ainsi que nous allions nous lancer dans cette grande aventure. A mon actif, j’avais une expérience d’organiste, l’ayant été de 1969 à 1976 à l’Abbaye du Mont-Saint-Michel, dans la mouvance de la communauté bénédictine de Bruno de Senneville. Je connaissais d’excellents organistes, ayant participé à plusieurs académies organisées à l’Abbaye de la Lucerne par le père Marcel Lelégard et François-Henry Houbart à la fin des années 1980. La Ville mettait à disposition un budget, modeste certes mais palpable, d’autant qu’il avait été décidé que l’entrée aux concerts serait gratuite mais que les organistes seraient rémunérés, condition sine qua non de l’engagement. Mais il restait tout à faire et à inventer avec les moyens du bord, de l’énergie et de l’astuce. Dois-je avouer que ma carrière professionnelle aux divers métiers me préparait à mener cette tâche au succès ? D’entrée de jeu, je considérai que ces concerts seraient une entreprise parmi les autres et à la traiter comme telle. Un premier obstacle était à surmonter : si l’orgue selon son usage liturgique est familier, son répertoire reste réservé au petit nombre des connaisseurs et des amateurs de musique dite « classique ». Il fallait ramer dur pour amener le public à des concerts dont ce n’était ni la pratique ni la culture, et, l’on sait le coût exorbitant de toute publicité à l’instar des « grands » festivals ! Michel Verdier, conseiller municipal de l’équipe de Claude Ménard, fut le créateur des premières affiches sans que son talent ne nous coûte rien. Et ainsi en fut-il du lancement : huit concerts jalonnèrent les mois de juillet, août et septembre 1989, soit un par semaine, environ 150 affiches furent distribuées aux commerçants et apposées à trente kilomètres à la ronde, des articles furent publiés dans la presse, tandis que l’office de tourisme diffusait une bande annonce faite « maison » grâce à la voix d’or de Marine Guigné, toute jeune animatrice de Radio-Cuguen. La population devait savoir qu’un orgue de toute beauté venait d’orner son église et qu’elle était conviée à venir l’entendre. Curieusement, les réactions furent parfois surprenantes : « C’est-il un enterrement qu’on nous annonce dans la ville que tu nous mettes de l’orgue ? » demanda-t-on au responsable de l’office. Surprenante à première vue, cette réaction, mais finalement très logique : dans la mentalité collective, l’orgue est associé aux obsèques et aux fins dernières en général. Ce sera l’objet d’une réflexion plus approfondie dans une publication ultérieure.

« Résultat globalement positif. »

Le résultat fut plus qu’encourageant ; une centaine de personnes venaient à chaque concert, et la presse de l’époque publiait chaque semaine un article dithyrambique. Pour l’instant l’objectif était atteint quant à la fréquentation. Il restait à parfaire la programmation et la pérennisation de l’entreprise. Ce sera le travail des trente années à venir, et voir germer les graines semées ab initio. Le dernier concert de la saison avait lieu en septembre, et je me trouvais au Portugal pour mon travail. Le maire avait annoncé qu’il prendrait la parole. Je devais impérativement être là. Je fis l’aller et retour Porto-Paris à mes frais, et dans l’avion, je ruminai ce que j’allais dire. C’est vrai, avec l’équipe municipale, Michel Verdier, Patrick Larivière, Arsène Lechat, Nicolas Simonnet, nous avions œuvré et manœuvré pour maîtriser tous les détails de notre organisation, mais il n’est pas aisé pour un acteur d’énoncer le pourquoi de son action. Quel message fort qui parlerait à la raison fallait-il faire entendre, alors que nous avions créé des heures d’émotion partagée au cours des concerts au-dessus des divisions de croyance, d’origine et de culture ? Enfin les mots vinrent d’eux-mêmes trotter dans ma tête. En substance, Claude Ménard dit ceci : « Quand nous avons lancé cette saison de concerts, nous ne savions pas très bien où nous allions, mais l’expérience a été globalement positive. Notre volonté est de la poursuivre… » Ainsi avait parlé la parole politique au nom de tous. Je demandai à Claude Ménard l’autorisation de répondre, et aujourd’hui encore je ne changerais pas un iota. Je dis simplement : « Merci, monsieur le maire, pour vos paroles si bonnes à entendre. L’orgue a été de toute évidence l’élément essentiel de cette saison de concerts. Mais nous ne devons pas oublier les organistes qui ont su l’animer et nous charmer. Nous oublions trop souvent qu’ils ont sacrifié les parties de foot et les récréations de leur enfance pour maîtriser à la fois leur propre corps et cette machine monstrueuse pour en faire tout ensemble un instrument de musique. Et si les virtuoses qu’ils sont devenus n’ont à moudre que le grain de l’accompagnement des cantiques du dimanche, c’est un peu comme un pur sang que l’on condamnerait au manège. Il leur faut le vent et l’espace pour donner le meilleur d’eux-mêmes, comme ils l’ont fait tout au long de cette saison. » Ainsi était née « Musiques à Pontorson ».

La menorah.

Une publication future viendra raconter la suite dont ce texte n’est que le prélude. S’inscrivant désormais dans la durée, l’expérience initiale se structurerait à mesure que les difficultés de la route se rencontreraient. Et, en particulier, un objet symbolique fort mérite ici qu’on s’y arrête un instant : il s’agit de la menorah qui orne de baptistère de l’église. Nous avons tous une idée de la signification de ce chandelier à sept branches qui est aussi le symbole adopté par l’Institut d’Israël à Paris. Le livre de l’Exode nous en donne à fois la description précise, et les autres textes de la Torah et du Talmud le développement symbolique. Nous lisons dans l’encyclopédie des symboles publiée sous la direction de Michel Cazenave : « Le chandelier est un arbre de lumière dont la plus haute fleur rayonne. Cette lumière parvient jusqu’à Dieu, et l’éclat de tous les chandeliers monte vers Lui… C’est ainsi que la tradition rapporte qu’au temps des Macchabées, la menorah avait brûlé pendant les huit jours de la sanctification du second Temple, alors qu’elle n’était alimentée que par une petite cruche d’huile que l’on retrouva intacte. » Rien de plus ritualisé qu’un concert : du chaos du monde et de son bruit, nous recréons l’harmonie et l’écoute fervente. Très vite, le désir me vint d’avoir un chandelier à sept branches pour ouvrir nos concerts. Inutile de réclamer l’attention et de faire taire les bavards : l’allumage des cierges suffit à créer le climat. Je proposai à l’abbé Ganné d’en faire faire un par Jean Galle, ferronnier à Pontorson, et même d’en acquitter le coût. L’abbé Ganné fut conquis par l’idée et me dit que la paroisse s’en chargerait. Proposition acceptée, mais quel délai ? Un, deux, trois ans passèrent. Fin 1994, allant chercher chacun son courrier, je rencontrai l’abbé Ganné sur les marches de la poste, et il me fit part de son départ prochain de Pontorson. Exprimant mon regret de cette décision, je lui dis : « Et mon chandelier ? » « Allez le voir, répondit-il, il est fait. Il est dans l’atelier de Jean Galle… » Là, dans le bric à brac de cet atelier, parmi les barrières et autres engins utilitaires, trônait ce qui était fort loin de ce que j’avais imaginé, et, de surprise, je restai coi. Très sensible, Jean Galle s’en aperçut et me déclara : « Il ne vous plaît pas ? Ce n’est pas ce que vous vouliez ? » Je balbutiai de vagues excuses : « Non, ce n’est pas cela, mais, voyez-vous, j’avais imaginé tout autre chose. Mais, venez avec moi le mettre dans l’église. » Là, posé dans le transept, cette œuvre d’art, dans la simplicité dépouillée de ses formes, s’épanouit dans toute sa majesté et révéla son excellence. Ce triangle concentre toutes les proportions de l’église et s’impose comme s’il avait été là de toute éternité. Je contemplai en silence quelques instants tandis que Jean Galle attendait. Enfin, je lui déclarai : « Monsieur Galle, comment avez-vous fait pour vous imprégner de l’essence même de cette église et l’avoir transposée dans votre chandelier ? C’est une œuvre d’art réelle que vous avez fait là ! » Il me répondit : « Vous savez, je ne fréquente pas beaucoup l’église, et je fais plus souvent des barrières pour les paysans que des chandeliers, mais je viens parfois aux enterrements. Aussi, parmi la foule, j’ai bien regardé alentour, les voûtes, les piliers, et je me suis laissé imprégner. C’est comme ça que j’ai fait. » « Monsieur Galle, tout à l’heure, je vous ai blessé, ne dîtes pas non, je vous présente mes excuses. » Très droits, très dignes, très émus, il me dit : « Je les accepte. » et, solennellement, nous sommes serré la main.
A quelque temps de là, fort probablement le 11 novembre 1994, un concert avait lieu, concert de clôture de la saison comme il en existe peu, avec une création de Valéry Aubertin sur des poèmes de Françoise Coulmin, présente pour la circonstance, avec Eric et Marie-Ange Leurent-Lebrun, organistes, Cathy Missika, cantatrice, Franz Wiener, violoncelliste, et Pierre-Antoine Grandy, récitant. La date était d’importance. Michel Judas était présent. Nul autre que lui n’avait autant qualité pour allumer les sept cierges. Il aimait parler au public, et me demanda s’il pouvait dire quelques mots, ce que je lui refusai net. Devant son insistance, je lui concédai : « Vous pouvez parler, mais un seul mot ! » D’un geste hiératique, il alluma un à un les sept cierges. Ceci accompli, il s’adressa au public : « Avec une seule flamme, j’en ai allumé sept. Une seule flamme peut embraser le monde. » Puis, il vint s’asseoir près de moi et me saisit la main. Il la garda dans la sienne jusqu’à la fin du concert et pas un instant ne desserra cette étreinte…

Le Temple Protestant

Situé entre les rues du Prêche et Montgomery, le culte protestant fut introduit à Pontorson en 1590 par Gabriel II de Montgomery , le seigneur ayant réussi à s’emparer de la ville face aux ligueurs. Le culte protestant fut célébré dans cet édifice de plan rectangulaire jusqu’au début du règne de Louis XIII , époque à laquelle il fut interdit suite aux nombreux troubles intervenus entre catholiques et protestants.

Il a été récemment inscrit sur la liste supplémentaire des Monuments Historiques.

Il est fort probable que ce bâtiment ait connu un autre usage avant de devenir temple protestant. L’église étant proche, on pense qu’il aurait pu s’agir d’une ancienne grange à dîme. D’autres pensent qu’il pourrait être une chapelle du prieuré de Pontorson.

L’Ancien Hôtel des Montgomery

Bâtiment phare de l’histoire de Pontorson, situé 13 rue Couesnon, il a subsisté à travers les siècles et est aujourd’hui bien identifiable dans la ville. Devenu un hôtel, son architecture est une superposition de différents styles, allant du XVIe (date de sa construction), jusqu’à l’époque contemporaine.

Ce Manoir anglo-normand est édifié en 1526 par Jacques de Montgomery – Logis historique de cette famille. L’un des ses fils Gabriel de lorges comte de Montgomery a tué Henri II d’un coup de lance dans l’œil.

Les clients sont les seuls à pouvoir admirer les vestiges qu’il referme notamment de magnifiques plafonds boisés à solives peints et datés du XVIe siècle. Cet hôtel particulier fut la résidence d’une des familles les plus illustres de la ville : les Montgomery. La famille implanta le protestantisme à Pontorson. Un des membres, Gabriel Ier de Montgomery  passa à la postérité en tuant accidentellement le roi de France Henri II  au cours d’un tournoi (10 juillet 1559).

Le livre « Tourisme, arts et sports dans l’ouest et la Normandie illustrée », volumes 3 à 4 de 1929, indique que ce bâtiment est un Hôtel depuis 1850.

La Maison Guischard de la Ménardière (Maison romane)

La maison Guischard de la Menardière, dite « Maison romane » est située dans la 34-36 rue Saint-Michel, il subsiste des doutes sur ses origines et sa datation. Certaines parties remonteraient aux XIIe-XIIIe siècles mais la grande part de la construction serait des XIVe et XVe siècles. Elle sera remaniée aux siècles suivants à divers endroits. Sa façade rythmée par des arcades a été superbement préservée. Au XVIIIe, la maison est occupée par la famille GUISCHARD, qui donne son nom actuel à la maison. Il y a encore des zones d’ombres au sujet de la fonction première de cette construction. On pense qu’il s’agissait peut être de l’hôpital de Pontorson. L’église étant toute proche, cela n’aurait rien d’étonnant mais cela reste de l’ordre de la supposition.

Cette habitation a été morcelée en 1851 en deux logements : le n°34, et le n°36, qui représente la plus grande partie. Un comble en ardoises, fort aigu, avec rampants de granit, apporte la marque des XVe et XVIe siècles. Les élégantes souches de cheminées datent du XVIIIe siècle.

Quand il n’y avait qu’une unique et même demeure, il existait un escalier monumental que l’on pouvait gravir à cheval. Sous Louis-Philippe, l’intrigante façade fut dissimulée en totalité derrière des plâtres badigeonnés à la chaux et des imitations de granit.

Avant 1851, selon un témoin, la galerie était divisée en échoppes. Un maréchal-ferrant travaillait dans l’une de celles-ci.

De 1851 jusqu’en 1925, à l’époque où ces faux décors furent étés, nul ne pouvait soupçonner la colonnade ou la galerie. Le tout avait été recouvert d’une fausse façade qui en supprimait les reliefs.

Du jardin, on peut apercevoir une inscription sur le linteau de la porte, elle date du temps où il y avait une seule et grande maison, il s’agit de l’inscription de la famille GUISCHARD en 1719. La façade de l’hôtel est celle d’une très plaisante habitation du XVIIIe siècle, gaie, largement percée de belles fenêtres. Ces dernières, ornées de balcons en fer forgé, sont de style Régence.

La famille GUISCHARD était très importante à Pontorson. L’un de ses membres fut compté parmi les grands esprits scientifiques du XVIe siècle. La réputation de la famille dépassa les imites du royaume. Ses membres se marièrent avec ceux des autres grandes familles nobles de la région.

À l’intérieur, il y a encore de belles boiseries inspirées de Versailles. En plus d’une copieuse et fort belle mouluration. Il complète noblement un ensemble digne à tout égard d’être classé, et en fort bon lieu, parmi les monuments historiques.


Étude archéologique sur l’Hôtel Guischard de la Ménardière d’Émile BARBÉ

Cette belle demeure a subi bien des vicissitudes depuis 1851, époque où elle fut morcelée. Elle est actuellement, pour la partie nord, la propriété de notre confère, M. BANNIER, notaire ; et pour la partie sud, celle de M. THÉAUT, gens de goût l’un et l’autre, qui s’appliquent avec le zèle le plus éclairé et le plus louable à faire disparaître les mutilations de la période antérieure. Sous Louis-Philippe, en effet, la si intéressante façade qui vient d’être remise au jour fut dissimulée toute entière derrière des plâtras badigeonnés à la chaux et des appareillages de faux granit. Tous les membres de l’architecture disparurent ainsi sous cette honteuse livrée, chère aux bourgeois d’alors, pour ne réapparaître que l’an passé. Notre confère, M. LERIVEREND, architecte à Pontorson, chargé des travaux de déblaiement et de restauration par M. BANNIER, les a conduits avec le même succès et la même sûreté que ceux de la sacristie de l’église paroissiale – qui sont son œuvre.

Dans sa forme actuelle, l’hôtel, qui regarde l’ouest, se présente ainsi sur la Rue Saint-Michel : un avant-corps central de 19m92 de long ; deux ailes en retrait, parallèles à lui, et à lui reliées par des constructions en retour d’équerre. L’aile nord se développe sur 7m35 ; l’aile sud, sur 4m80 seulement. Le tout domine la voie publique de plusieurs marches. L’avant-corps est séparé de celle-ci par un large contre-mur, élevé de 0m63 au-dessus de la bordure du trottoir, et couvert de bahuts plats en granit.

Ce contre-mur, qui est frappé d’alignement ainsi qu’une grande partie de l’avant-corps, a été construit en 1840, à la suite de l’abaissement du niveau de la rue par la municipalité d’alors ; il a pour but de parer aux dangers de l’affouillement, devant les fondations de l’immeuble.

Prise dans son ensemble, la façade se compose d’un rez-de-chaussée surélevé comme il vient d’être dit ; d’un premier étage ; et d’un comble en ardoises fort aigu, avec rampant de granit. Ce dernier accuse les XVe-XVIe siècles. Le tout est couronné d’élégantes souches de cheminées, du XVIIIe siècle.

Le saillant de l’avant-corps est constitué, au rez-de-chaussée, par une robuste colonnade en granit appartenant au style roman primitif. À ses deux extrémités, cette colonnade d’appuie sur des massifs d’angle et, au moyen d’un retour d’équerre à chaque bout, elle va retrouver les ailes. Le retour nord se développe suivant une longueur de 2m45, et le retour sud, suivant une autre de 2m66. Sur les colonnes viennent tomber des cintres, composés de deux archivoltes plates, en granit appareillé. Elles ont la hauteur ordinaire des assises de pierre de taille, et ne comportent aucune ornementation ; toutefois, l’archivolte inférieure s’amortit par un chanfrein. Aujourd’hui, tout cet ensemble constitue, à l’intérieur, un galerie. – Dans les retours, les cintres se réduisent actuellement à une demi-arcade ayant été, au XVIIIe siècle, coupé à la hauteur de la clef de voûte par un mur parallèle à la rue. – L’archivolte supérieure, dans ces mêmes retours, est en moellons de schiste debout, posés en délit pour former voussoirs.

Depuis 1851 jusqu’à 1924, époque où les plâtras furent jetés bas, de la voie publique on ne pouvait soupçonner ni la colonnade ni la galerie, le tout ayant été revêtu d’une fausse façade supprimant les reliefs, et dans laquelle on avait pratiqué des fenêtres insignifiantes. Seule la porte d’entrée conservait l’apparence cintrée.

Avant 1851, il résulte du témoignage de M. JACQUET dit BUISSON, mort à 95 ans l’an dernier, et de celui de M. Hippolyte BOUFFARÉ, l’un des anciens propriétaires, décédé en 1875, que la galerie était divisée en échoppes, où se trouvait, notamment, un maréchal ferrant.

Les travaux effectués lors du morcellement de la propriété firent disparaître les locataires de la galerie, laquelle fut aménagée dès lors, pour les besoins des propriétaires, en pièces longues formant boyaux. Telle est encore aujourd’hui la situation ; mais, l’aspect extérieur est totalement changé. Cintres et colonnes, délivrés de la gaîne où ils étaient ensevelis depuis tantôt 80 ans, ont revu la lumière. Au lieu d’empâter, comme ci-devant, les membres de l’architecture dans des masses aveugles, on les a rendus tous apparents, grâce à un rideau très mince de maçonnerie qui, édifié discrètement sous les arcs, réunit entre elles, et parallèlement à l’axe de la rue, les colonnes. Dans leurs intervalles, on a percé de nouvelles portes et fenêtres ; non toutefois sans choisir et avec le plus grand soin, tant les pierres d’encadrement que les moellons qui, tous, présentent la même tonalité que les matériaux anciens du fronstipice.

Cet avant-corps du rez-de-chaussée, sans analogue dans la région, appelle un sérieux examen. Nous commencerons par les retours, qui se composent chacun, avons-nous dit, d’un demi-arcade seulement et font, dans l’architecture, partie intégrale du motif central.

Brusquement interrompus par les deux ailes qui sont, l’une et l’autre, du XVIIIe siècle, les retours s’étendaient certainement jadis vers l’est ; mais, tout ce prolongement ayant été, – comme nous l’avons remarqué plus haut, – supprimé par des constructions élevées sur l’arrière, il en résulte que nous sommes sans renseignements sur le plan général de l’édifice roman.

Les demi-arcades des retours ont leurs retombées du côté de la rue. – Ces retombées sont recueillies, au moyen de cintres appareillés, sur des chapiteaux de colonnes engagées dans ces massifs d’angle, dont nous avons parlé déjà.

D’autres colonnes engagées, remplissant pareille fonction, existent dans ces mêmes massifs, perpendiculairement aux retours ; et elles reçoivent, suivant l’axe de la façade, les pressions ainsi transmises par des cintres.

Ceci-dit – et pour mettre de l’ordre dans nos remarques, nous allons, partant du massif angulaire nord, remonter la rue Saint-Michel et, ce faisant, nous rencontrerons successivement des travées de 2m51, 2m36 et 2m38.

Parvenus à l’extrémité du dernier entrecolonnement, et après avoir laissé derrière nous deux colonnes isolées, nous trouvons un massif, flanqué de deux demi-colonnes engagées, l’une regardant le nord, et l’autre le sud. – Pourquoi ce massif ? – Simplement pour donner de la force à tout le système, dont il occupe le point médian – ou pour servir de départ à une colonnade perpendiculaire vers l’est ?

Après examen de l’appareillage sur sa face interne, M. LERIVERAND et moi adoptons la première hypothèse.

Reprenant notre marche, nous rencontrons encore deux colonnes isolées, puis la demi-colonne engagée dans le massif d’angle. Cette fois, les intervalles sont respectivement de 2m82, 2m27 et 2m51.

Naturellement, les doubles-cintres en granit qui viennent s’amortir sur les chapiteaux d’une ordonnance aussi irrégulière, ne peuvent qu’être établis à la demande. N’ayant pas la même portée, les courbures de leurs arcs sont différentes ; se rapprochant, autant que possible, du plein-cintre.

Voici les principales données :

  • Hauteur approximative sous clef : 2m70 ;
  • Hauteur moyenne des bases (qui sont de modèles différents, tantôt hexagonales, tantôt carrées, avec chanfrein abattu ou non) : 0m31 ;
  • Hauteur moyenne des chapiteau (comprenant celle du tailloir 0m06 à 0m07 et de l’astragale 0m05) : 0m40 ;
  • Hauteur du fût (monolithe, sauf dans les massifs) : 1m13 ;
  • Diamètre du fût (très variable), environ : 0m42.

Ces chapiteaux, qui sont de dessin uniforme, d’allure très archaïque, et dont j’ai retrouvé plusieurs exemplaires abandonnés à Pontorson en divers endroits, sont tous constitués par des troncs de pyramide renversés, venant s’amortir inférieurement sur un cylindre, au-dessus de l’astragale.

C’est, comme on le voit, le couronnement le plus simple que puisse recevoir une colonne. Dans la partie supérieure des fûts de la colonnade, on voit des entailles qui ont été certainement pratiquées pour recevoir une forte pièce de bois horizontale, parallèle à l’axe de la rue. Il s’agit ici de mutilations évidents. Ces entailles n’existent ni dans les retours ni dans le 4e encolonnement (celui au sud de la porte de M. BANNIER).

L’ensemble de cette ordonnance produit une impression monumentale très grande et donne le sentiment de la force, sans exclure, loin de là, celui de l’homogénéité, en dépit des discordances de détail énumérées ci-dessus. La patine admirable que prend le granit rouge au soleil couchant est ici particulièrement marquée, et suggère involontairement une comparaison avec l’ensemble voisin de l’Hôtel de Ville et des Halles, où l’œil est affligé par les tons ingrats du granit dit « bleu ». Malheureusement pour ces architectures, suivant la formule officielle, la comparaison glisse fatalement des couleurs aux constructions elles-mêmes en tant qu’œuvres d’art, et si, dans celles du XIIe siècle, la vigueur, la pittoresque, la franchise du travail et sa belle allure rendent la barbarie sympathique, on ne peut nier qu’au contraire l’oeuvre de notre civilisation contemporaine ne fasse penser aux redoutables cartons verts de l’Administration et de Bâtiments Civils d’où, chaque année, tant d’ennui se répand insidieusement sur la Métropole et les infortunées Colonies, sous forme de « monuments ». « Tous les genres sont bons hors le genre ennuyeux », disait Voltaire.

Cette libre appréciation des édifices bâtis désormais par la collectivité ne m’aveugle aucunement, je l’ai montré plus d’une fois, sur les défauts des architectures primitives ; mais les monuments ont cela de bon, qu’ils racontent à qui sait la lire l’histoire de leurs bâtisseurs. – Le vers célèbre où Virgile encourage Tome à régenter le monde n’a pas de plus éloquents commentaires que les ruines semées par l’Empire sur l’Univers alors connu ; mais ces augustes débris ne disent pas que la splendeur des Césars ; ils témoignent encore et surtout de leur puissance centralisée, et de leur autorité sur les individus comme sur les peuples.

Tout au contraire, dans le Royaume où, vers le haut Moyen-Âge, chaque province eut sa technique contributive particulière ; où aucune puissance, pour haute qu’elle ait été, n’a jamais pu contraindre à observer les détails d’un plan, où tel ouvrier dresse une arcade d’une largeur, pendant que son camarade donne à l’arcade d’à côté une portée différente, alors que le maître ès-œuvres reste impuissant ; en ce pays-là, dis-je, j’entends bien affirmer théoriquement le Pouvoir absolu ; mais je dis qu’aucun souverain d’alors n’étant capable de se faire obéir de son maçon, il m’est impossible d’imaginer serfs et vassaux se pliant aux caprices du maître. – (Je me permets d’indiquer que ceci, dans ma pensée, ne constitue pas une digression : par cette raison que, d’après moi, l’archéologie n’est pas chose morte, mais fait bloc avec la sociologie et l’histoire).

Nous avons maintenant à nous demander quelle a pu originairement être la destination de nos arcatures, si caractéristiques d’aspect ?

Leur date n’est pas douteuse ; elles remontent au commencement du XIIe siècle. Peut-on voir en elles un immeuble civil ou commercial ? Certainement non ; on chercherait vainement, en cet ordre d’idées, une seule analogie dans toute la France. Les habitations romanes des particuliers ou des boutiquiers qui ont laissé quelques traces sont infimes comme taille et ne peuvent entrer en parallèle avec notre construction. Aucune boutique sous porche n’eut jamais, dans notre région et à cette époque, plus de 4 à 5 mètres d’ouverture. Force est donc de voir ailleurs.

Tout d’abord, une remarque s’impose : il ne s’agit pas ici d’un cloître entouré de bâtiments comme celui du Mont-Saint-Michel, comme le patio de la maison mauresque d’Alger ou l’atrium de la demeure antique, mais d’une vaste galerie extérieure à un édifice : telles, les arcades de la Rue de Rivoli. Ce type fut fréquent à partir du XVIIe siècle (Paris, Place Royale ; Rennes, caserne Saint-Georges, ancienne abbaye). Mais, tout au moins au XIIe siècle dans notre contrée, ce même type est introuvable.

Quoi qu’il en soit, j’ai vu au nord de Paris, et peut-être même à Senlis, des arcades analogues aux nôtres, contemporaines des nôtres, et qu’on attribuait sur la place à d’anciens hôpitaux. Cette rencontre m’a rappelé que la fondation de l’hôpital de Pontorson (v. Desroches) était du 3 février 1115, c’est-à-dire exactement de l’époque à laquelle remonte notre construction, qui est d’un technique très analogue à celle des parties primitives de l’Abbaye-Blanche à Mortain. Or, l’Abbaye-Blanche est de 1105 (Gallia Christania, T. XI; p. 554).

Ne faudrait-il pas reconnaître dans les vestiges romans de la Rue Saint-Michel l’hôpital originaire de Pontorson qui, depuis, aurait été transporté sur la rive gauche du Couesnon, là où nous le voyons aujourd’hui ?

Non seulement les remarques ci-dessus rendraient très vraisemblable cette attribution ; mais DESROCHES et autres nous ayant donné l’analyse des grandes fondations, etc… faite à Pontorson durant le Moyen-Âge, l’hôpital est la seule qui pourrait légitimer des construction analogues à celles que nous considérons, et dont le site primitif soit incertain.

Examinons maintenant le premier étage, tel que nous l’apercevons de la voie publique. À la différence du rez-de-chaussée, l’avant-corps, à cette hauteur, n’est plus bâti en pierres d’appareil, mais simplement en moellons. Seuls, les angles de l’édifice, les parements des couvertures et un large bandeau sous les sablières, sont en granit taillé. – Trois vastes fenêtres percent la façade sur la rue ; les  ouvrants sont du XVIIIe siècle. – Mais l’état ancien fut tout autre. En effet, les couvertures et les appuis des baies, – et je parle ici, non seulement de celles de la façade, mais encore des deux baies ouvertes dans les retours, – por ent trace, en leur milieu, de l’arrivé d’un meneau : et transversalement, on aperçoit, dans chaque fenêtre, le point d’insertion d’un autre meneau horizontal, qui formait croisillon.

Il n’y donc aucun doute : tout l’étage, si on veut lui restituer son aspect ancien, doit recevoir des croix de granit, comme les fenestrages des XIVe-XVe siècles.

Nous serons brefs sur l’étage des combles. – Deux lucarnes d’ardoise s’y trouvent sur l’aplomb des fenêtres du côté BANNIER ; la lucarne correspondante manque du côté THÉAUT.

Le rampant de pierre tangent au toit accusant, par son profil, le XVe siècle ; et la pente de la couverture elle-même indiquant aussi cette époque, – si on veut rendre à l’hôtel sa physionomie complète, il serait indispensable de construire ici trois lucarnes de granit dans le style de ce temps-là ; et, pour les faire régner avec les fenêtres de l’étage inférieur, de les recouper par des croisillons de pierre.

Rien à dire des deux ailes, sinon que ce sont des constructions ordinaires du XVIIIe siècle. À la suite de l’aile Nord se trouvent divers bâtiments sans caractères spécial, mais au delà de ceux-ci les deux piliers de granit (XVIIIe siècle) de l’ancien portail existent toujours. Deux autres, symétriques, existaient du côté Sud ; ils ont disparu dans le cours du XIXe siècle.

Entrons maintenant dans la cour d’honneur qui séparait l’hôtel du jardin. On y accédait par les deux portails ci-dessus et, pour se représenter, il faut, par la pensée, supposer détruits tous les bâtiments faisant obstacle à ce qu’un carrosse entré par un des portails sortit par l’autre.

La cour d’honneur était partagée d’avec les parterres au moyen de magnifiques balustres en granit, dont quelques-uns ont été récemment transportés dans le bosquet de la Rue des Bordeaux.

La façade de l’hôtel, sur la cour d’honneur, est  celle d’une très plaisante habitation du XVIIIe siècle, gaie, largement percée de belles fenêtres, ces dernières ornées de balcons en fer forgé, légers et du meilleur style Régence.  Voici en effet l’inscription qui se lit à la muraille sur une plaque de granit : Ft B : P. FRs GUISCHARD DE LA MENARDIERE 1719.

Le blanc de l’inscription correspond à plusieurs caractères effacés ; et comme, au-dessus, une pierre porte un écusson gratté, on ne calomniera personne en conjecturant que les lettres supprimées, énonçaient un titre nobiliaire et que toutes ces mutilations sont de l’époque où dans l’église, sise à deux pas de là, le marteau révolutionnaire décapitait toutes les statues de l’autel Saint-Jean.

Quel était l’état ancien des intérieurs ? Je vois d’instinct la porte d’entrée dans l’entrecolonnement après celui où elle est aujourd’hui ; plus au sud, dans cette trouée en effet, la barre horizontale formant obstacle au va et vient n’a pas laissé de traces.

Il est certain d’ailleurs que l’escalier actuel de M. BANNIER, son vestibule et sa cuisine formaient, par leur réunion, la cage de l’escalier monumental détruit, « où on pouvait monter à cheval », m’a dit l’ancienne propriétaire Mme BOUFFARÉ.

Les marches de cet escalier, d’après le témoignage d’un des menuisiers de ce temps-là, ont servi à faire un nouveau parquet pour la grande salle à manger dont l’ancien était pourri. Cette première pièce qui se trouve sur le jardin, au nord de l’ancienne cage d’escalier, a ses fenêtres à l’Est et communique par une porte à l’Ouest avec le boyau (galerie) dont nous avons parlé plus haut et qui était la salle à manger ordinaire de la famille BOUFFARÉ.

Il est d’ailleurs probable que, de la Régence à la Révolution, ce boyau et celui à la suite vers le Sud servaient de corridors, et ce tant au premier qu’au rez-de-chaussée : ces passages étaient d’ailleurs trop court pour atteindre les pièces des ailes.

En tous cas, le magnifique salon qui fait suite, vers le nord, à la grande salle à manger, pour cette raison, n’a jamais pu être accédé qu’à travers celle-ci. – À la différence de cette salle à manger, dont les boiseries Empire sont un peu quelconques, le grand salon, percé de quatre fenêtres symétriques : deux sur jardin et deux sur rue, est tout entier recouvert de magnifiques panneaux de sculpture sur chêne, que leur travail attribue bien à l’époque donnée par l’inscription. – Ils sont dans le meilleur état de conservation et peints : le fond en bleu-vert très pale ; l’ornementation en blanc.

De quelle époque est cette peinture ? Mme BOUFFARÉ me l’avait dit il y a très longtemps. N’ayant que des souvenirs vagues, et les indices actuels n’étant pas probants, je préfère ne pas me prononcer. Mais que le salon ait été autrefois en bois naturel ou, au contraire, que ses peintures soient anciennes peu importe, l’effet est excellent, et le travail si délicat des menuiseries se trouve d’ores et déjà mis en pleine valeur avec les couleurs pâlies et vieillottes qui les revêtent.

Nous sommes d’ailleurs ici en présence de boiseries inspirées de Versailles et fouillées par un maître du ciseau. En sus d’une copieuse et fort belle mouluration, les motifs décoratifs se réfèrent à la danse et à la musique, dont ils reproduisent les attributs.

Il est fâcheux que la cheminée soit d’un style Empire plutôt vulgaire et que le parquet soit également moderne et sans valeur. Au premier étage, la chambre d’honneur, qui est au-dessus de la salle à manger, et la suivante superposée au salon, ont de très belles boiseries de l’époque ; mais les panneaux de la chambre d’honneur, opposés aux fenêtres, ont été éloignés du mur Ouest et rapprochés du jardin pour permettre de desservir la seconde pièce sans traverser la première.

La côté THÉAUT de l’immeuble a conservé, lui aussi, dans la plupart de ses parties des boiseries de l’époque. Il complète noblement un ensemble digne à tous égards d’être classé, et en fort bon lieu, parmi les monuments historiques.

Pontorson le 6 septembre 1925, Émile BARBÉ, Ancien Conseiller des Cours d’Appel Coloniales.

La Guimbarde

La Guimbarde est une fontaine qui a alimenté la ville de Pontorson pendant de très nombreuses années (les travaux pour amener l’eau de cette source en centre-ville ont commencé vers 1810). Sa source est toujours visible de nos jours. Elle est située dans un champ sur la Route de Saint-James/Boucey (D30) et est éloignée du centre-ville de Pontorson de 1 523 mètres.

L’eau de cette fontaine était dit-on très abondante et très pure. Son volume était d’ailleurs augmenté en y réunissant les eaux de plusieurs sources voisines. Ces sources voisines, au nombre de trois, sont reliées entre elles (à la principale) via un petit aqueduc de 30cm de hauteur et de 80cm de largeur. Elle était destinée à alimenter un certain nombre de fontaines publiques dans différents quartiers de la ville, à fournir de l’eau à l’hôpital et même à quelques propriétaires (par des concessions particulières).

Le niveau moyen de ces eaux est élevé de 10 mètres au-dessus du sol de l’ancienne Place Saint-Michel.

Les eaux de la fontaine de la Guimbarde et celles des sources voisines furent réunies dans une même cuvette. À partir de cette cuvette, la conduite principale est formée au moyen de tuyaux de grès, enfermés dans une rigole en maçonnerie.

Les parois de la cuvette de la Guimbarde sont revêtues à l’aide d’un mur circulaire de pierres sèches de 2m de diamètre intérieurement et de 80cm d’épaisseur à la base. Ce mur est couronné par une assise en granite de 40cm de hauteur et 50cm d’épaisseur. La profondeur de cette cuvette est d’environ 2m.

Le cheminement terminal de ces eaux était un bassin (180cm x 180cm) en plomb situé dans l’intérieur de la cage de l’ancien château d’eau (de la Place Saint-Michel). Un second bassin (140cm x 140cm) était installé afin de faire jaillir l’eau de la fontaine. D’autres tuyaux en plomb étaient reliés à ce bassin pour amener de l’eau à l’hôpital et dans les différents quartiers.

Le tracé de cette source jusqu’à la rue Saint-Michel contenait 9 regards (équipés de robinets et d’un système de vidange).

Le Séquoia

Le Séquoia (Sequoiadendron giganteum), qui se trouve Rue Ambroise Pincé fut planté vers 1770. Il a été importé par les bourgeois de la ville au XIXe siècle. C’est un « arbre remarquable » classé par le CAUE de la Manche .

Sa cime culmine à 30 mètres environ et sa circonférence est de 7 mètres (diamètre de 2.22 m).

Il y a dans le jardin de l’hôpital, le même Séquoia, qui fut planté dans le même axe à la même époque.

Les anciennes Halles (Place de l’Hôtel de Ville)

La construction des halles de Pontorson est une histoire pleine de rebondissement !

Historiquement, il existait des halles (en bois) situées dans la Rue Saint-Michel, vers la Rue Couesnon.

En 1820, la mairie décide de déplacer ces halles vers la « place vide située entre les rues Saint-Michel et de Tanis ». Ces futures nouvelles halles allaient réunir celle des « merciers », aux « blés » et des « bouchers ». Cette place « vide », est en réalité la « Place de l’Hôtel de Ville », jadis nommée « Place de la Mairie ».

Les années passent jusqu’en 1862 où la ville souhaite encore construire des nouvelles halles, plus grandes (car insuffisantes aux besoins d’une ville en plein essor). Elles seront construites à l’emplacement que nous connaissons aujourd’hui (avant que la mairie ne soit greffée en son centre en 1902/1903). Juste derrière les anciennes halles.

Le dessins des futures halles de Pontorson (5 avril 1862), avant la mairie soit intégrée en son centre

Mais la construction de ces halles définitives, va prendre du temps ! En effet, l’entreprise en charge de la construction, « Baussan Frères », fera faillite. Il va s’en suivre pendant des années, de vifs échanges entre la mairie et cette entreprise. Cette affaire se terminera devant le Conseil de la Préfecture le 25 juillet 1873. Elles seront livrées vers 1875.

En 1937, on décide de fermer ces halles à l’aide de portes et de fenêtres : elle s’agissait jusqu’alors d’halles « ouvertes ». Les travaux sont terminés au début de l’année 1939.

Entre 1965 et 1967 une nouvelle transformation est exécutée : l’aile droite des halles vont accueillir les pompiers (actuelle salle des fêtes). À cette époque, la salle des fêtes était située du côté de l’Office de tourisme.

Installation des pompiers dans l’actuelle salle des fêtes dans le courant des années 1960