La ligne tortueuse du Couesnon, qui forme la presqu’île fermée des Milardières, et la presqu’île ouverte des Verdières, là où, cessant d’avoir des rives, ce fleuve s’étale dans des vases blanches et désolées, sol intermédiaire entre la terre et la grève, découpe ou corrode Moidrey à l’ouest. Une ligne généralement idéale, anguleuse et saccadée, la détermine des autres côtés. Elle est traversée par l’ancienne voie montoise de Bretagne. Le sol ne se rehausse guère que dans le petit coteau de l’église.
C’est un humble oratoire, une ecclésiole. Entre le chœur et la nef était autrefois un campanier dont l’escalier existe encore. Aujourd’hui, une petite tour s’élève au portail. De l’église ancienne, il reste des dalles tumulaires, dont une à légende gothique, un Ecce homo en vitrail, la vieille croix ronde du cimetière, un bénitier, et quelques baies ogivales.
Dédiée à Saint-Laurent, elle avait pour patron le Mont-Saint-Michel. En 1648, elle valait 300 liv., et 400 liv. et 1698.
Près de l’église, est son ancien château, qui n’a plus de féodal que son colombier, et auquel nous rattacherons quelques noms disséminés. En 917, G. Longue-Épée donna Moidrey « Maldrei », au Mont.
Rainald et Guarin de Maldreio souscrivirent à la charte de Caugé en 1056. En 1188, Walterius de Maidré, fut témoin dans une charte du Cartulaire de l’Abbaye ; ailleurs on trouve aussi Aluredus de Maidreio. Dans ce XIIe siècle, Raoul de Fougères donna au Mont des fiefs « que tenet de ecc. de Maidre. ».
Le seigneur de Moidrey fut un des nombreux bannerets de ce canton qui prêtèrent serment de fidélité à Geoffroi d’Anjou. Au XIVe siècle, Foulque Paisnel devait au Mont le tiers d’un chevalier pour le village de Moidrey qui lui avait été fieffé.
Au XVe siècle, pendant l’occupation étrangère, Jean Trehan de Moidrey se vit enlever ses manoirs, terres, fieux et rentes qui furent donnés à G. Kehin. En 1698, les nobles à Moidrey étaient J. Tardif et Nic. Desforges.
Moidrey renfermait une antique chapelle ou maladrerie, dédiée à Saint-Blaise, dont le souvenir ne vit plus que dans le nom de son emplacement, appelé le Champ-Saint-Blaise. En 1648, elle valait 40 liv., et en 1698 elle n’en rendait que 30 liv. Elle avait en ce siècle pour patron le grand-aumônier de France et dépendait de l’Hôtel-Dieu d’Avranches.
La forme générale du nom paroissial est Maidrey, comme on peut le voir dans nos citations des chartes, et comme nous le trouvons encore dans le Registre des Synodes : « S. Laurentius de Maidreio. ».
Moidrey n’a rien gardé de cette époque romane qui vit naître son église et toutes celles qui bordent la baie, dans ce fécond XIe siècle, où le monde, selon l’expression de Raoul Glaber : « Se remuant pour jeter sa vieille dépouille, semblait s’être couvert d’un blanc vêtement d’églises. ».
Une plume qui a su dessiner largement et peindre avec éclat les marines et les paysages de la baie, a esquissé le tableau vu de la colline de Moidrey :
« En arrivant au Mont par Pontorson, on découvre, pour la première fois, le monument sur la hauteur qui domine Moidrey, entre les touffes d’arbres dont ce village est enveloppé. De là, le Mont semble, par un temps clair, s’élever au fond du vallon même de Moidrey, dont les arbres masquent l’étendue et la profondeur. Ce n’est qu’à la hauteur du moulin de Moidrey qu’on peut voir se dérouler à larges plans un des plus beaux aspects du Mont. Encore paraît-il presque adhérent à la terre ferme et beaucoup moins colossal qu’il n’est en réalité. Mais il se découpe en contours nets et arrêtés sur un immense horizon de ciel et de mer ; puis le paysage est fermé au sud-ouest par la côté de Saint-Georges et le Couesnon avec ses circuits capricieux ; à l’ouest par la côte de Cherrueix, baignée dans le mirage qui argente de ses vapeurs les grèves et les campagnes ; au nord-ouest par le Grouin-de-Cancale, d’où l’on voit se dérouler en zigzags les immenses pêcheries de la baie ; au nord par le Mont-Tombelaine, par la pointe de Carolles et par celle de Granville qu’on aperçoit de là toutes les fois que l’horizon est sans brume. ».