L’article suivant est de la propriété de Monsieur Albert Yves DEHOUX, historien local. Il est diffusé avec son aimable autorisation.
De Trafalgar à Pontorson – Louis TANGUY (1781-1841)
Notice biographique par Albert Yves DEHOUX
À l’ombre d’un if, une simple pierre tombale, là repose Louis Tanguy, officier de la marine d’état, maire de Pontorson durant une décennie.
Voici la surprenante destinée de cet édile peu connu, voire oublié, dont curieusement aucune de nos rues ne porte le nom.
Du mousse au lieutenant de vaisseau
Fils de Louis et de Marie Deschenais, Louis Julien Marie voit le jour en la ville de Saint-Malo le 12 novembre 1781.
Il n’a pas encore atteint ses huit ans lorsque le 9 avril 1789, il emparque sur « Le Neptune » en qualité de mousse, direction les bancs de Terre-Neuve ; puis en 1790 sur « L’Union » et en 1791 sur « Le Mesnage », pour la même destination.
Le premier prairial an 6 (20 mai 1798), il est cité comme novice sur la flûte « Le Cormoran ». Ainsi début sa carrière au service de l’état, qui ne cessera qu’en 1817.
Aspirant de deuxième classe sur le lougre « Le Granville », il connaît « plusieurs affaires (sic) », contre les Anglais à l’occasion de la protection de convois de Brest à Saint-Malo.
Au gré de ses promotions et de ses multiples mutations, nous le trouvons successivement comme aspirant de première classe sur « L’Invicible ». Il participe à l’expédition de Saint-Domingue sous les ordres du Général Leclerc, sur « La Révélation » puis sur « Le Pelayo ». Il commande un détachement de marins qui contribue à la prise de l’île de la Tortue et du Fort des Gonaïves. En l’an 11, il est sur « Le Desaix ».
Enseigne de vaisseau sur « L’Aigle », officier chargé des signaux lors du combat naval de Finisterre ou « Bataille des Quinze-Vingts » (juillet 1805) puis Trafalgar
(octobre 1805). Par suite du combat, tous les officiers qui le précédaient dans la hiérarchie ayant été blessés ou tués, il reçut du Capitaine Gourrège, mortellement atteint, le commandement du vaisseau. « L’Aigle » se rendit après une belle résistance. Le lendemain, l’équipage captif se révolta contre la garnison de prise. Après plusieurs jours employés à la lutte contre la forte tempête qui succéda à la bataille, Louis Tanguy put ramener le navire à Cadix
avec le reste de son vaillant équipage, tous les blessés et les anglais prisonniers dont trois officiers.
Promu lieutenant de vaisseau sur la frégate « La Thémis », puis sur « L’Amélie » et « La Pomone ». Il est fait prisonnier suite au Combat de Pelagosa ou « Combat de la Pomone » et est retenu à Malte
de novembre 1811 à août 1814.
Il tombe en demie solde jusqu’en octobre 1817 (avec une courte reprise de service à Brest en 1815). Ici prend fin de son service dans la marine d’état.
Retour à la vie civile
Le 17 février 1817, il épouse à Pontorson, Modeste Le Templier, de quinze ans sa cadette. Au moins deux enfants naîtront de cette union : Louis en 1818 et Edouard en 1829.
De nombre 1817 à octobre 1824, Louis Tanguy devient capitaine gérant de « La Bonne Mère », au commerce avec les Antilles et le Brésil
.
En 1826, il sauve au péril de sa vie, un homme sur le point de se noyer dans la Baie du Mont-Saint-Michel . En 1829, à la naissance de son second fils (tous deux nés à Pontorson), il est cité comme lieutenant de vaisseau à la retraite domicilié à Pleine-Fougères.
Le 4 août 1830, il est désigné à l’unanimité, par élection, commandant de la garde nationale de notre ville, ce jusqu’au 16 septembre 1830, date à laquelle il est nommé Maire par le Préfet de la Manche. Il occupera cette fonction jusqu’à son décès.
Par ordonnance royale, il est nommé membre du conseil d’arrondissement d’Avranches de décembre 1830 à juin 1833. En 1831, 1832 et 1833, il est scrutateur du bureau définitif au collège électoral de la chambre des députés. Toujours en 1832, le Préfet de la Manche le nomme membre du conseil de révision.
En octobre 1834, un important incendie se déclare dans les ateliers de la maison centrale du Mont-Saint-Michel , puis dans la nef de l’église. Tout le monde s’empresse de porter secours, dont le Docteur de la prison, Gabriel Hédou (le fils du pharmacien de Pontorson) qui sera maire du Mont-Saint-Michel
de 1835 à 1839. Les gardes nationaux des communes voisines arrivent en renfort. Au matin (le feu a pris vers minuit) l’incendie est dominé. Le ministre de l’intérieur adressera à Louis Tanguy des témoignages de satisfaction pour la conduite et les services qu’il a rendu lors de ce sinistre.
En 1835, notre commune s’agrandit d’environ cent hectares distraits de celle de Boucey, ce, sur ordonnance royale. Notre édile y fut très certainement pour beaucoup.
Louis Tanguy est fait chevalier de la Légion d’Honneur en juillet 1837, décoré en août à la Préfecture de Saint-Lô. Lors de la séance de la Société d’archéologie d’Avranches, en mars 1838, il fait lecture d’une « Notice sur la ville de Pontorson » (que l’on retrouve en 1842 dans le Tome I de cette société, pages 129 à 159).
En cette même année, il est cité comme l’un des membres fondateurs de la Société d’agriculture de l’arrondissement d’Avranches, avec un autre Pontorsonnais, Gabriel Hédou, pharmacien de son état.
Cet homme, à la vie peu banale, s’éteindra en notre commune le 28 octobre 1841. son épouse lui survivra plus de trente ans, elle rendra l’âme le 22 décembre 1872.