
Les anciens et précieux privilèges des habitants de Pontorson
Les habitants de Pontorson ont bénéficié d’une Charte (ou Charte de franchises), accordée par le monarque anglais Henri II, duc de Normandie, et originairement concédée par Henri Ier au début du XIIème siècle. Antérieure aux Chartes des communes les plus célèbres de France, elle est un des documents les plus anciens de la jurisprudence française.
Cette grande faveur fut accordée à la cité dans la seconde moitié du XIIème siècle : l’octroi par Henri II d’Angleterre, d’une Charte de précieux privilèges, qui régit les habitants pendant plusieurs siècles. Ce fut probablement en juillet 1 166, pendant qu’il faisait le siège du château de Fougères, que le Roi-duc délivra ce titre. Une copie de ce document porte qu’il fut donné « Apud Furgerias », que l’on est autorisé à traduire par Fougères. En guerre contre le Bretons, le monarque anglais sentant le besoin de s’assurer la fidélité des Pontorsonnais, leur octroya les franchises accordées par son prédécesseur Henri Ier aux habitants de Verneuil, au début du XIIème siècle.
Ce précieux document, l’un des plus ancien et des plus curieux de la jurisprudence française, ayant été publié, on n’en citera ici que les principaux passages :
- Le roi Henri exempte les bourgeois de Pontorson du service d’ost et de chevauchée.
- De tous droits pour leurs marchandises pendant les trois premières années.
- De tous droits sur ce qu’ils achètent pour leur vêtement et leur nourriture.
- Les bourgeois peuvent construire autant de maison qu’il leur plaira sur leur propre fond ; ils ne payeront d’impôt que sur leur propre habitation, soit douze deniers par an.
- Si la maison d’un habitant est saisie pour dettes, celui-ci peut encore continuer de l’habiter pendant un an et un jour.
- À chaque habitant le roi concède trois acres de terre et un jardin pour son étalage les jours de marché.
- Le roi Henri accorde aux habitants de Pontorson le privilège de n’être jugé que dans leur ville, et d’y évoquer les causes qui les concernent.
- Le bourgeois accusé par le prêteur peut se justifier lui-même sans témoin, la première fois. S’il fourni caution, il ne sera pas incarcéré ; s’il ne trouve pas de garant, il ira librement en prison, et en sortira en payant son prix.
- En cas d’absence d’un accusé, sa famille ne répondra pour lui qu’au bout d’un an et un jour.
- Si une femme a été mêlée à une rixe pendant l’absence de son mari, pourvu qu’elle donne des garanties, elle ne sera citée en justice qu’après le retour de son époux.
- Nul ne sera contraint d’aller devant le prêteur le soir, après la fermeture des portes, à moins qu’il ne s’agisse d’un étranger.
- Quand le prêteur veut faire comparaître un habitant devant lui, si ce bourgeois est au bain, il se rendra à l’appel du prêteur quand il lui plaira de sortir du bain ; s’il est assis à sa table pour prendre son repas, il ne se lèvera qu’après avoir terminé.
La Charte énumère aussi les droits dus au Roi pour les marchandises passant par la ville, ou étalées sur le marché :
- Toute charrette chargée de vin, de sel ou de froment, passant par la ville, doit payer deux deniers de péage, et autant pour le droit de vente.
- Pour les chargements de draps, la taxe est fixée à quatre deniers par ballot.
- Pour un millier de « sèches », ou poissons salés, la taxe est de quatre deniers. Même taxe pour le millier de harengs frais.
- Pour chaque trousse de courtier, deux deniers de péage si la marchandise est mêlée.
- Une toile de lin entière doit payer un denier ; un morceau, un denier.
- Pour la vente sur le marché d’un cheval, d’un bœuf, deux deniers ; pour une vache, un denier ; pour un âne, un denier ; pour un porc, un denier ; pour un mouton, une chèvre, une obole.
Les droits de mouture (il est question des moulins de Pontorson en 1 180, indiqués dans les rôles de l’Echiquier de Normandie), les conditions dans lesquelles pourront être construits des fours et beaucoup d’autres points encore sont réglés avec une grande précision dans ce document.
Il est à remarquer que cette Charte reproduit mot à mot celle de Verneuil, dont le texte est aujourd’hui perdu. Cette Charte de Verneuil ne nous est connue que par la copie délivrée aux habitants de Pontorson.
Ces deux Chartes de Pontorson ne contiennent en fait pas exactement le même texte. La première comprend 48 articles très détaillés. La seconde Charte, constituée de 11 articles, serait une simple confirmation d’Henri I.
La comparaison entre les deux documents de Pontorson met en évidence quelques changements institutionnels ou plus simplement sémantiques : par exemple « burgencia » remplace le terme de « platea, prepositus » ceux de « pretor » et de « prelatus », et « serviens » celui de « nuncius ». On signale aussi l’apparition d’une nouvelle clause sur les réquisitions de chevaux et de voitures et note que certains détails ne font pas double emploi dans les deux textes (Les bourgs castraux de Nonancourt et de Verneuil-sur-Avre au XIIe siècle d’Astrid Lemoine-Descourtieux).
Enfin en 1393, Charles VI sanctionna les privilèges que Henri II avait octroyés à Pontorson.
Les Privilèges des Bourgeois de Pontorson, par M. Paul LE CACHEUX, 1914. Deux Chartes durent délivrée par Henri II, pendant le siège de Fougère, en juillet 1 166.